016 Livre Des contes et légendes |
021 Pitô Conte |
Pitô Il y avait une fois un jeune homme qui était le plus brave garçon du monde, mais aussi le plus niais de son village. Âgé de vingt ans environ, il n'avait aucun goût pour le travail ; tout juste était-il bon pour garder le bétail, et c'est pour cela qu'on le mit gardien du troupeau communal. Un jour qu'il gardait les moutons dans une jachère, le long d'un ruisseau, il voit arriver deux hommes. Lorsque ceux-ci furent au bord du ruisseau, ils n'osèrent pas le franchir car il avait été grossi par l'orage. Alors l'un d'eux dit à Pitô : "Tu ne voudrais pas nous passer, pâtre, toi qui peux facilement te déchausser ? - Vous plaisantez ! Cela va être vivement exécuté !" Alors il prend l'un après l'autre les deux hommes sur ses épaules et les transporte sur l'autre rive. Les deux hommes, qui avaient remercié du bout des lèvres, s'en allaient sans autre formule. "Et vous ne me donnez rien en paiement ? demande Pitô à celui qui se trouvait en arrière. - Il te faut demander à mon compagnon qui est devant moi " répond celui-ci. Pitô va trouver l'autre homme et ce dernier lui dit : "Écoute, brave pâtre, je suis le bon Dieu ; je n'ai aucun argent pour te payer, mais je te donne cette flûte. Chaque fois que quelque chose n'ira pas à ton idée, tu n'auras qu'à jouer de la flûte en disant chaque fois : "Pour l'amour de cette flûte que m'a donnée le bon Dieu, que je me débarrasse de toutes difficultés !" Et alors tout ira bien pour toi..." Un jour Pitô passait devant le château du roi avec son troupeau au-devant de lui et sa flûte aux lèvres, il se met à jouer de l'instrument et dit ensuite : "Pour l'amour de cette flûte que m'a donnée le bon Dieu, que la fille du roi ait un garçon !" Et la fille du roi eut un garçon. Cet enfant parla et marcha aussitôt qu'il fut au monde. Le roi fut fou de colère, et il fit savoir dans tout le pays que le père de cet enfant serait écorché vif. Alors il fit venir au château tous les hommes et jeunes gens de la contrée et demanda au père de l'enfant de se faire connaître. Personne ne dit mot. "Eh bien, dit le roi, nous allons le découvrir tout de suite !" Il fait approcher l'enfant, qui tenait une petite boule rouge dans la main, et lui demande de donner cette boule à son père. L'enfant se tourna de tous côtés, et au bout d'un moment il dit : "Mon père n'est pas ici." Alors quelqu'un s'aperçoit que Pitô était absent. "Eh bien, il faut aller le chercher" fit le roi. Pitô arriva et l'enfant alla lui donner la boule rouge... Le roi fait enfermer sa fille, Pitô et l'enfant dans un tonneau, fait fermer hermétiquement le tonneau et le fait jeter à la mer. Pitô, qui avait emporté sa flûte enchantée, se met tout de suit à jouer, et dit ensuite : "Pour l'amour de cette flûte que m'a donnée le bon Dieu, que ce tonneau s'approche du rivage et qu'il s'ouvre !" Aussitôt le tonneau aborda au rivage, s'ouvrit et tous les trois en sortirent. Ils n'étaient pas loin du château royal. Pitô saisit alors de nouveau sa flûte, se met à jouer et dit ensuite : "Pour l'amour de cette flûte que le bon Dieu m'a donnée, que ce tonneau soit un joli château bâti près du château royal et qu'il y ait un pont de verre entre les deux !" Et il en fut ainsi aussitôt. Le lendemain matin, en ouvrant sa fenêtre, le roi aperçut ce château nouvellement édifié. "Et comment se fait-il, s'exclama-t-il, qu'il se trouve un château près du mien avec ce pont de verre qui les relie ? Hier il n'y avait rien !" Il fait aussitôt ferrer un cheval à glace, pour pouvoir franchir la pont, et va rendre visite à ses nouveaux voisins. Il ne reconnut ni sa fille, ni Pitô. Ceux-ci lui font visiter leur château, puis le promène dans le jardin où se trouvait un magnifique poirier portant six poires en or. Tout en se promenant, Pitô prend sa flûte, se met à jouer discrètement, puis murmure : "Pour l'amour de cette flûte que le bon Dieu m'a donnée, qu'une des poires en or s'en aille dans la poche du roi !" Lorsqu'ils eurent fait le tour du jardin et qu'ils repassèrent devant le poirier, le roi s'aperçut qu'il ne portait plus que cinq poires. "Tiens, dit-il, il en manque une ; il y en avait six quand nous sommes passées tout à l'heure ! - Alors c'est vous qui l'avez volée ! répond Pitô. - Le roi n'est pas un voleur ! - Nous allons voir cela" fait Pitô. Il enfonce la main dans la poche du roi et en retire la poire d'or. "Vous voyez bien que c'est vous le voleur ! Quelle honte si quelqu'un venait à le savoir ! Mais moi je ne dirais rien si vous voulez me laisser épouser votre fille qui est ici à côté de nous." Alors le roi reconnut sa fille et Pitô. "Eh bien, qu'il en soit ainsi !" fit le roi. Et Pitô devint le gendre du roi. |