016 Livre Des contes et légendes |
200 Les quatre fils Aymon |
Les quatre fils Aymon L’histoire des quatre fils Aymon appartient à la légende, et leurs extraordinaires aventures on donné naissance, au moyen âge, à un nombre assez grand de ces romans en vers qu’on appelait des « chansons de geste ». Ces héros vivaient au temps de Charlemagne. Leurs noms étaient, suivant les différents poètes qui les ont chantés, Renaud ou Reynaud, Guichard ou Guiscard, Alard ou Adelard, et Richard ou Richardet. Leurs aventures, comme leurs noms, ne sont point partout rapportées de la même façon, mais voici comment on les raconte généralement. Aymon, prince des Ardennes, Saxon d’origine, avait été chargé par Charlemagne de gouverner le pays dont Albi était la capitale. Il eut pour fils les quatre preux. Les jeunes gens furent armés chevaliers par Charlemagne lui-même, et, à cette occasion, Renaud, agissant à son nom et celui de ses frères, jura au puissant empereur une fidélité à toute épreuve. Mais Aymon avait pour frère Beuve d’Aigremont. Celui-ci attira la colère de Charlemagne qui lui déclara la guerre. Son intention était simplement de le vaincre, puis de lui imposer ses conditions. Ganeron, qui commandait l’armée de Charlemagne, prit sur lui d’aller plus loin que son maître ne l’avait voulu, et il tua Beuve d’Aigremont dans une bataille. Renaud et ses trois frères vinrent alors à la cour de Charlemagne pour demander justice de la mort de leur oncle. On fit traîner la réponse en longueur, et Renaud, poussé à bout, se trouvant un jour insulté par le neveu de Charlemagne, le tua d’un coup d’échiquier. Sur ce bel exploit, il quitta la cour avec ses frères. Les quatre fugitifs, poursuivis par les soldats de Charlemagne, se réfugièrent dans la forêt des Ardennes. Mais plus d’une fois, dans leur fuite, ils avaient été serrés de près par les troupes chargées de les arrêter, et ils ne durent souvent leur salut qu’à leur unique cheval Bayard. Ce fantastique coursier était fée, disent les plus vieilles chansons de geste ; il faut entendre par là qu’il était doué de qualités surnaturelles, et il le fallait bien, pour qu’il pût galoper sans faiblesse pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, en portant sur son dos les quatre cavaliers lourdement armés. Lorsque nos héros furent enfermés dans la forêt des Ardennes, Bayard se nourrit exclusivement de feuilles et de racines et s’en trouva mieux, disent les vieux conteurs, qu’un autre cheval de blé et d’avoine. Il n’avait rien perdu de sa vigueur à ce singulier régime, et c’est encore grâce à son extraordinaire rapidité que les preux purent s’échapper de la forêt et gagner le château paternel. Là, un nouveau déboire les attendait : leur père, fidèle vassal de Charlemagne, refusa de les recevoir. De nouveau fugitifs, ils arrivèrent enfin à la cour du roi Yvon de Bordeaux, qu’ils aidèrent à combattre et à vaincre les Sarrazins. En retour, le roi Yvon fit épouser sa sœur Clarisse à Renaud et autorisa les quatre frères à bâtir le château de Montauban. Mais la colère de Charlemagne n’était point apaisée : son armée fut bientôt devant Montauban. Investi de toutes parts, le château ne pouvait plus se défendre, et les quatre fils Aymon, épuisés par la famine, allaient être obligés de se rendre, lorsque Bayard, pour que la place pût tenir plus longtemps, les nourrit pendant quinze jours de son sang. Cette résistance inattendue fit murmurer les troupes de Charlemagne. Pour ne pas les mécontenter davantage, l’empereur dut conclure la paix. Il accorda la vie sauve aux quatre frères et leur laissa leurs biens, mais il imposa à Renaud l’obligation de se rendre en Palestine. Ici finit l’histoire des quatre fils Aymon et commence celle de Renaud de Montauban, dont nous n’avons pas à nous occuper ici. La aussi se terminent les exploits de Bayard. Comme une des conditions de la paix, Charlemagne avait exigé qu’on lui remît le merveilleux cheval. Il le fit jeter dans la Meuse avec une grosse pierre au cou. Mais Bayard s’échappa à la nage et, comme l’avaient fait autrefois ses maîtres, se réfugia dans la forêt des Ardennes où, d’après la légende, on l’aperçoit de temps à autre. Les aventures des quatre fils Aymon sont encore populaires de nos jours. Mais la popularité de Bayard est plus grande encore, surtout chez les peuples du Nord. Dans les Pays-Bas notamment, et principalement à Louvain et à Malines, Bayard est de toutes les fêtes publiques. Mais il y a mieux. Malherbe, qui est mort sous le règne de Louis XIII, prétendait qu’on voyait à Château-Renaud, petit village des Ardennes, les ruines d’un vieux castel où existait encore l’écurie de Bayard. A Bertheim près de Louvain, on montre, dit-on, sa mangeoire et l’empreinte d’un de ses pieds ; enfin, en Westphalie, l’église Saint-Renaud, de Dortmund, conserve un fer à cheval qui appartint, prétend-on, à Bayard. |
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