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016 Livre
Des contes et légendes
099 Le ruban de la fée Ginette

Le ruban de la fée Ginette

Lucette avait les yeux bleus, les cheveux dorés, et elle était toute mignonne, malgré ses pauvres habits étriqués et usés. Tout le jour, bien qu'elle n'eût que dix ans, elle travaillait avec son père dans la forêt, ramassant du bois mort, faisant de petits tas de branchettes menues ; puis, le soir, quand on rentrait dans la cabane, elle faisait cuire les légumes du maigre repas, rangeait les outils du bûcheron, et s'endormait sur sa couchette, si peu douce et si peu moelleuse, un sourire aux lèvres.
Lucette chantait dès son réveil, et pourtant sa vie était dure. Elle était la sixième enfant d'une famille de pauvres bûcherons. L'hiver, le froid entrait dans la hutte mal close, et jamais on n'eût connu là une heure joyeuse sans la bonne fée Ginette.
Ginette aimait ces malheureux ; souvent, elle s'arrêtait chez eux, laissait une pièce d'argent, guérissait un des petits malades, donnait quelque chaud vêtement.
"Je veillerai sur cette petite, avait dit la bonne fée, lorsque la sixième enfant était née. Appelez-la Lucette ; ce sera ma protégée, j'en prendrai soin."
Et la petite avait grandi, gaie et mignonne.
Mais, un jour, Lucette suivit son père en ville. Là, elle rencontra des enfants mieux vêtus ; elle aperçut mille merveilles ignorées, de beaux jouets qu'elle n'aurait jamais, des friandises auxquelles elle ne pourrait jamais goûter ; elle revint toute songeuse.
Le lendemain, en faisant ses fagots, elle pensait à ce qu'elle avait entrevu un instant. Elle s'assit, découragée ; ses mains étaient bleuies de froid, et elle sentait aussi comme une sensation de froid dans son petit cœur.
Une grosse larme roula sur sa joue. Ginette arriva.
"Qu'as-tu ?
- J'ai froid ; mes mains sont tout engourdies.
- Console-toi. Je vais faire lever, pour te réchauffer, un doux rayon de soleil.
- J'ai faim...
- Regarde, tout près, sur le buisson, ce fruit doré. Prends, c'est pour toi..."
Lucette remercia, mais ses larmes coulaient toujours.
"Pourquoi as-tu tant de chagrin, ce matin ?
- Je pense aux enfants que j'ai rencontrés hier à la ville. Ils ont de beaux habits, ils mangent des friandises. Ils sont heureux parce qu'ils ont tout ce qu'ils veulent.
- Mais, Lucette, je ne te laisse pas souffrir. Je viens dès que tu m'appelles, je te donne des fruits savoureux, des vêtements pour te préserver du froid. Regarde ces fleurs, écoute ces oiseaux, n'est-ce pas mieux que les jouets des enfants riches ?"
Lucette n'étaient pas convaincue.
"Tu n'es plus content de ton humble sort, tu voudrais plus de fortune, plus de plaisirs ?..."
Ginette coupa un bout du ruban bleu de sa baguette et le noua autour du cou de la petite fille.
"Tiens, Lucette, garde ce talisman. Désormais, tous tes désirs seront sur-le-champ réalisés, tu auras des richesses et des joies tant que tu en voudras. Mais prends garde ! Sois prudente en te faisant ta part de bonheur, n'épuise pas trop vite la mesure qui t'est destinée. Quand tu voudras quelque chose, aussitôt tu l'auras, mais en même temps, le ruban bleu s'usera, diminuera petit à petit, et un jour pourrait venir où tu ne l'aurais plus. Ton privilège, alors, serait fini.
- Mais, douce fée, ne vous verrai-je plus ?
- Une seule fois, quand ton ruban sera petit, petit, à peine perceptible, quand il sera si usé qu'il ne restera plus qu'un souhait à faire, je viendrai te donner un dernier conseil. Adieu, petite Lucette..."
Lucette voulut remercier, Ginette avait disparu.
Ravie, n'osant croire à son bonheur, la fillette s'en retourna vers sa cabane, et, vit, elle désira une belle robe.
"Qui est cette belle demoiselle ?" demandaient ses petits frères en la voyant venir dans le chemin.
Et, tandis qu'ils reconnaissaient Lucette, eux aussi se trouvèrent vêtus d'habits somptueux, et aussi le père, et aussi la mère. Lucette ne se possédait pas de joie, surtout quand un beau château remplaça la misérable hutte, que des laquais chamarrés l'entourèrent, et que tous se trouvèrent réunis autour d'une table chargée de mets recherchés, de bonbons, de crèmes et de sucreries.
Lucette, cependant, se lassa de jouer sans fin et de croquer sans cesse des friandise ; ayant vu passer, dans un beau carosse, une belle jeune fille et un jeune prince son fiancé :
"Je voudrais, pensa-t-elle, grandir vite, épouser un beau seigneur..."
Lucette eut aussitôt vingt ans, un riche marquis voisin la demanda en mariage. Ce furent des fêtes magnifiques. Elles finirent dans les larmes : le jeune seigneur dut partir pour guerroyer en lointain pays.
Lucette se désola pendant de longs mois d'être sans nouvelles ; puis, désespérée :
"Faisons le sacrifice d'un peu de notre vie, dit-elle. Peu importe si nous vieillissons, si j'use le temps, mais que cette affreuse guerre finisse, pour que mon époux revienne !"
Et voici que la guerre fut finie, mais le seigneur ne revint pas.
Il était mort là-bas, loin de sa patrie.
Alors, dans son noir chagrin, la princesse désolée, ne tenant plus à la vie, pensa qu'il vaudrait mieux être plus près de mourir ; elle était lasse de vivre, et aurait voulu que le temps courût, rapide, pour abréger ses jours.
Et son souhait se réalisa.
Ses cheveux sont blancs maintenant, sa tête tremble, et elle s'aperçoit que le petit ruban est si court, si ténu qu'elle ne peut plus le saisir de ses doigts tremblants ; ses yeux affaiblis distinguent à peine le mince fil azuré, et c'est tout de suite un regret qui monte à son cœur, un effroi vague qui l'étreint, et un appel suppliant vers sa douce protectrice.
Ginette est devant elle.
"Que désires-tu, Lucette ? Veux-tu d'autre or, d'autres châteaux somptueux, quelques années encore de fêtes, de richesses ?... Veux-tu mourir, si tu souffres trop ?... Veux-tu..."?
Et, penchée vers elle, la fée, doucement, tout bas, tout bas, avec un bon sourire, murmure un conseil :
"Veux-tu retourner dans ta forêt ? Veux-tu redevenir la petite Lucette ?"
Un instant après, Lucette, revenue de son rêve d'opulence, courait encore, gaie et joyeuse, dans les sentiers fleuris.
Son rêve n'avait duré que quelques minutes ; les années de jeunesse, les années d'âge mûr, les années de vieillesse, elle les avaient vécues en quelques instants, et cela lui avait suffi pour comprendre qu'il ne faut pas envier le bonheur d'autrui, et que la vraie sagesse consiste à savoir toujours se contenter de la vie telle qu'elle se présente et de ce que l'on a.

M. REMOND
 
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