016 Livre Des contes et légendes |
026 Le petit mas Conte |
Le petit mas Il y avait une fois un pauvre pêcheur qui demeurait avec sa femme dans vieux petit mas tout ruiné. Un matin, au premier coup de filet, il pêcha un poisson qui était tout d'or. Ce poisson à peine fût-il hors de l'eau qu'il se mit à parler : "Si tu me laissais aller, lui dit-il, tu n'aurais qu'à me demander ce que tu voudrais et tu l'obtiendrais. - Si je te laissais partir, dit le vieux pêcheur, cela est sûr tu ne reviendrais plus et, si ma femme le savait, elle me roueraient de coups. - Fais ce que je dis et tu t'en trouveras bien." Le pauvre pêcheur le laissa partir et revint à son petit mas (les mains vides). "Te voilà gueux ! lui cria sa femme, tu n'apportes rien ?" - J'avais pris un poisson qui était tout d'or ; il m'a dit que, si je le laissais aller, il me donnerait tout ce que je voudrais. - Et tu ne lui as rien demandé ? - Non, rien. - Comment rien ? Retournes-y, et vite, et demande-lui que de ce petit mas il te fasse une jolie maison." Le pauvre pêcheur obéit, s'en va tout droit à la rivière, frappe des mains comme lui avait dit le poisson et poisson revient sur l'eau. "Que veux-tu ?" - Je veux que tu me protèges, ma femme m'a grondé de ce que je t'avais laissé partir. Elle demande que de notre petit mas tout ruiné tu fasses une jolie maison. - Retourne c'est fait." Le pauvre pêcheur s'en retourna. En tournant le coin, il vit une jolie maison toute neuve, qui avait une tonnelle verte sur le devant et un jardin sur le derrière. Il dit à sa femme : "Tu dois être contente ?" - Contente ! Que veux-tu qu'on fasse d'un morceau de maison comme ça ? Encore si c'était une métairie ! Va-t'en au poisson qui est tout d'or et dis-lui qu'il nous faut une métairie." Le pauvre pêcheur s'en va de nouveau à la rivière. "C'est encore moi ; ma femme ne trouve pas que ce soit assez ; elle veut une métairie." - Retourne-t'en, c'est fait. Il s'en revint. En tournant le coin, il vit une belle et grande métairie, où il y avait beaucoup de bœufs et de vaches. Il dit à sa femme : "Tu dois être contente ?" - Contente ! pour cette vilaine métairie ! Il vaudrait bien mieux avoir un château. Retourne-t'en vite, et va lui demander un château." Le pauvre pêcheur s'en va et, (arrivé) à la rivière, frappe des mains. Le poisson revint sur l'eau. "Tu n'as pas encore contenté ma femme ; maintenant elle veut que de cette métairie tu fasses un château. - Elle est bien revêche ta femme ; elle me donne assez de peine. - C'est vrai, mais que veux-tu ? Si tu peux le faire, fais-le. - Retourne-t'en, c'est fait". Il s'en retourna. Du tournant il vit un beau château, et sa femme qui était à la fenêtre pour se distraire. Il lui dit : "Tu dois être contente ? - Contente ! Il n'y a pas à crier "venez voir" ! Qui n'a pas un château ? Je voudrais avoir quelque chose que personne n'eût : je veux un palais. - Autant dire alors que tu veux être reine ; tu déraisonnes. - Je veux un palais. Retourne-t'en, et vite, et le lui demander. Le pauvre pêcheur s'en alla tout confus de ce qu'il allait demander. Le poisson revint encore. "Ma femme a perdu la raison, elle veut un palais." - Ta femme est folle. - Je le sais bien ; mais si tu peux le faire, fais-le. - Retourne-t'en, c'est fait. Le pauvre pêcheur s'en retourne ; quand il fut à l'endroit où le chemin tourne, il vit son vieux petit mas tout ruiné et sa femme assise sur le seuil, qui pleurait. Dès qu'elle l'aperçut, elle se mit à crier après lui. Le pauvre pêcheur, qui était en colère, prit une gaule et la frappa jusqu'à ce qu'elle eût dit qu'elle était contente. Je me réveillai et il fit jour. |