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016 Livre
Des contes et légendes
060 Le cheval de Margeot
Vieille légende des Côtes-du-Nord

Le cheval de Margéot - Vieille légende des Côtes-du-Nord

C'était à Kercabin, vieux château près de Pontrieux, sur lequel il courait de singuliers bruits, et que l'on disait hanté par toutes sortes d'hôtes mystérieux. J'y étais allé veiller ma grand-tante qui se mourait... Nous passâmes la nuit autour de son lit, faisant des lectures pieuses et récitant les prières habituelles des veillées des morts. Nous étions là une vingtaine de personnes.
A une heure très avancée de la nuit, nous entendîmes tous, très distinctement, le pas d'un cheval arrivant au grand galop sur le pavé de la cour. Ma tante, la fille de la défunte, dit aussitôt : "Voilà mon frère le prêtre qui arrive ! Il n'a pas perdu de temps !" Puis s'adressant à un domestique : "Allez le recevoir, Franch Vraz, et mettre son cheval à l'écurie." Deux domestiques sortirent aussitôt. Du haut du perron, ils regardèrent dans la cour et ne virent rien, ni homme ni cheval.
Cependant, ils étaient si certains d'avoir entendu le bruit des sabots d'un cheval sur le pavé de la cour, qu'ils se rendirent à l'écurie, persuadés que le cavalier y avait lui-même conduit sa monture, ou qu'un des chevaux de la maison avait rompu sa chaîne et s'était évadé. Mais ils ne trouvèrent à l'écurie ni cavalier, ni cheval étranger, et aucun des chevaux de la maison ne s'était évadé. Très étonnés de cela, ils vinrent en instruire ma tante, qui répondit tranquillement : "C'est encore le cheval de Margéot !" La veillée continua, et le prêtre attendu n'arriva qu'au point du jour.
Or, voici ce que c'était que Margéot dont je me fis plus tard conter l'histoire, car ces simples mots : "C'est le cheval de Margéot !" avec la circonstance d'un cavalier invisible, me frappèrent d'une étrange façon.
Margéot avait habité le château de Kercabin, il y avait de cela cinquante ou soixante ans. C'était un homme d'une grande force physique, violent et emporté, craint et redouté comme la peste dans tout le pays...
Entre autres crimes, on l'accusait de la mort d'un douanier. Je ne sais quelle raison on donne du meurtre, si Margéot faisait de la contrebande, ou s'il avait quelque sujet de haine et de vengeance contre le douanier ; mais aussitôt le crime commis, il monta dit-on, sur un excellent cheval qu'il avait, et que l'on disait aussi être un présent de l'Enfer, et se rendit à Saint-Brieuc bride abattue. C'était la nuit. Saint-Brieuc est à douze ou treize lieues de Kercabin. La justice informa, fit une enquête, et sur quelques indices et de nombreuses présomptions, Margéot fut mis en accusation. Mais grâce à la rapidité et aux jarrets de fer de son cheval il parvint à établir un alibi et fut acquitté. Il mourut peu de temps après, à la grande joie de tout le pays, et quelques vieilles femmes prétendent que deux diables rouges enlevèrent son corps pendant la veillée de mort, et que le cercueil que l'on enterra dans le cimetière de Plouëc était vide.
Depuis lors, la nuit, on entend souvent un cheval arriver bride abattue dans la cour de Kercabin ; et quand les domestiques se présentent pour recevoir le voyageur attardé et mettre son cheval à l'écurie, ne trouvant ni cavalier ni cheval, ils rentrent en maugréant et en disant : C'est encore ce diable de Margéot !

E.-M LUZEL Veillées bretonne