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016 Livre
Des contes et légendes
100 La maladie de Madame Chatte

La maladie de Madame Chatte

Un soir, dans le grenier très noir, derrière les caisses garnies de paille où le peuple des souris et des rats avait élu domicile, une grande nouvelle se répandit : Mme Chatte était malade !
Mme Chatte, c'était une belle minette, que l'on voyait se glisser le soir sur les gouttières, et qui, à pas menus, venait sans bruit, parfois rôder dans le grenier.
Mme Chatte, c'était la gardienne du garde-manger, rempli de choses succulentes. Mme Chatte, c'était l'ogresse des souris, qui, d'un coup de sa patte agile, vous les saisissait au passage, et d'un coup de dent les croquait, avant que les petites bêtes grignotantes eussent pu seulement faire : "Cuic !"
Aussi, lorsqu'on sut que Mme Chatte était malade, on porta en triomphe M. Raton qui avait apporté la bonne nouvelle.
"Oui, dit M. Raton, la cuisinière l'a mise dans un panier, et l'a portée chez le vétérinaire, qui est le médecin des chats. Je vis la chose, caché sur le buffet.
- Elle va peut-être mourir, dit Mme Raton. Je propose de fêter ce beau jour, en donnant un bal à la cuisine, quand tout le monde sera couché."
La proposition fut acclamée, et, quand minuit sonna, on aurait pu voir toutes les souris et tous les rats qui, trottinant sur la rampe de l'escalier, se faufilaient jusqu'à la cuisine.
Ah ! quelle belle surprise, mes amis ! Il y avait là des noix délicieuses, des biscuits bien sucrés, du lard rance exquis, un fromage de Hollande entier, que sais-je !
On commença par bien manger. Puis on dansa. Puis, comme la danse ouvre l'appétit, on recommença à manger. Puis, comme la danse active la digestion, on dansa de nouveau. Ainsi ce fut une belle fête.
Mais le matin, à force de manger, de danser, de manger encore, et de danser toujours, rats et souris se trouvèrent si fatigués, que sans force pour remonter chez eux, ils s'endormirent dans tous les coins de la cuisine.
Or, la maladie de Mme Chatte n'était pas très grave : elle avait simplement une arête dans le gosier. Le vétérinaire lui fit prendre du sirop d'épicéa, et, le matin il la renvoya chez elle par un commissionnaire, tout à fait guérie.
Personne n'étant réveillé dans la maison, le commissionnaire glissa Mme Chatte par le soupirail de la cave et s'en alla. Mme Chatte fit un brin de toilette et monta tranquillement vers la cuisine, pour boire un peu de lait. Et elle entra.
Ah ! mes enfants, ce ne fut pas long. Quand elle vit tout le peuple souris endormi, un coup de patte ici, un coup de griffe là, en trois minutes la place fut nette. Seuls M. et Mme Raton, qui connaissaient une cachette, purent échapper au massacre.
"Écoutez-moi bien, disaient-ils plus tard à leurs petits-fils, en leur racontant ce terrible drame : si l'on vous dit que le chat est malade, n'en croyez rien. Si l'on vous dit qu'il est mort, tenez-vous sur vos gardes. Si l'on vous dit qu'il est enterré, méfiez-vous encore."
M. et Mme Raton avaient raison ; mais les jeunes ne profitent jamais de l'expérience de leurs aînés, et les petites souris imprudentes continuent à se faire croquer par les chats.
 
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