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016 Livre
Des contes et légendes
072 Histoire de sorcier - Hier... en 1892

Histoire de sorcier - Hier... en 1892

Une riche marchande, nommée Gertrude, était veuve et se trouvait à la tête d'une maison importante et d'une nombreuse famille ; mais, depuis la mort de son mari, qui avait été un homme actif et laborieux, elle voyait chaque jour augmenter ses dépenses et diminuer ses revenus ; enfin, les choses allaient de telle sorte, que tout à coup, elle fut prise de la terreur de voir le bien de ses enfants fondre dans ses mains.
Dame Gertrude était d'un esprit simple et craignant Dieu, mais sans haute portée dans les idées ; aussi, ne sachant comment faire pour sortir de ce mauvais pas, elle se résolut à aller consulter un sage ermite qui était retiré sur le versant d'une montagne située tout à côté du pays qu'elle habitait. Elle le trouva se chauffant au soleil et plongé dans une méditation profonde.
Notre marchande le salua respectueusement, lui demanda pardon de venir l'importuner, et lui exposa le but intéressé de sa visite.
- Qui est-ce qui veille sur votre maison ? lui demanda le sage après avoir écoutée avec une grande attention.
- C'est une brave et honnête femme, qui a toute autorité sur mes commis, mes servantes et mes valets, répondit dame Gertrude.
- Et qui tient votre caisse ? enfin, qui balance vos recettes et vos dépenses ? demanda encore l'ermite du même ton.
- Depuis la mort de mon mari, c'est un caissier que j'ai pris pour cela, mon père, fit la riche marchande, fort surprise de devoir subir cet interrogatoire.
- Attendez un peu, dit alors l'ermite en se levant et sans paraître remarquer la surprise de sa visiteuse, je vais aller vous chercher un remède souverain contre les maux qui vous affligent.
Il revint quelques instants après avec une petite baguette de coudrier entre les mains, et, la donnant à dame Gertrude :
- Tenez, lui dit-il, prenez ceci, et, pendant un an, vous porterez trois fois dans la journée, de plus, une fois de très grand matin et une autre fois le soir très tard, cette baguette de coudrier dans la cave, dans la cuisine, dans les celliers, dans les greniers, dans les écuries, enfin dans tous les endroits de votre maison qui contiennent une part de vos richesses, car vous savez que le coudrier a le dont de faire découvrir les trésors ; il vous aidera donc à conserver les vôtres. De plus, il faudra que vous restiez avec elle durant une heure, chaque après-midi, dans le bureau où travaille l'homme chargé de vos dépenses et de vos recettes : et je suis convaincu qu'avant peu vous m'apporterez des remerciements pour l'infaillible recette que je viens de vous donner, car cela n'a jamais manqué son effet.
Dame Gertrude qui connaissait la sagesse de l'ermite et qui savait fort bien qu'il n'eût pas commis l'inconvenance de s'amuser à ses dépens, partit triomphante avec sa baguette dont elle fit usage sur-le-champ, et dont elle se trouva très contente, car ce talisman lui fit découvrir tout d'abord, dans la cave, l'improbité d'un valet qui lui volait son vin ; puis, dans l'écurie, la paresse des palefreniers, qui laissaient les chevaux sans être étrillés jusqu'au milieu du jour ; et enfin, continuant la promenade ordonnée, la négligence de sa fille de basse-cour qui avait oublié de traire les vaches.
- Ouais ; se dit-elle, le bon ermite a bien raison, sa baguette est vraiment merveilleuse, et je veux continuer à m'en servir comme il me l'a ordonné. Ce qu'elle fit résolument ; et, dès le lendemain elle chassa plusieurs servantes qu'elle avait surprises faisant bombance au lieu de travailler ; aussi le travail n'en alla-t-il pas plus et sa maison fut-elle soulagée d'autant. Ce jour-là aussi elle songea, en allant dans le bureau pour y faire sa station ordonnée, qu'elle s'ennuierait beaucoup moins en employant l'heure qu'elle devait y rester à examiner les comptes de la maison que si elle la passait inoccupée. C'était une chose qu'elle avait toujours négligé de faire jusque-là ; aussi le caissier fut-il saisi non seulement de stupeur, mais encore de frayeur, quand elle lui demanda de lui montrer ses livres, car il s'y trouvait de nombreuses erreurs tout à fait au désavantage de la riche marchande.
Dame Gertrude s'en aperçut aussitôt, et, entrant dans une violente colère, elle chassa le caissier sur l'heure ; force lui fut donc de prendre sa place provisoirement d'abord ; mais remarquant que ce travail lui causait peu de peine et lui rapportait de grands profits, elle se décida à le remplir toujours ; de même, elle congédia la surveillante de la maison, dont la baguette de coudrier remplissait si bien l'office.
Un an se passa ainsi, et quand Dame Gertrude fit le bilan de sa caisse, elle s'aperçut que cette fois, c'étaient ses dépenses qui étaient moindres et ses recettes beaucoup plus considérables. Enchantée de cette découverte, la bonne femme reconnaissante s'en alla remercier l'ermite du miracle qu'il avait opéré chez elle.
Celui-ci la reçut souriant affectueusement, car on s'attache toujours aux gens que l'on oblige.
- Et faites-vous sans la moindre peine les visites que je vous ai commandé de faire ? lui demanda-t-il avec bonté.
- Oui, certes, mon père, et je n'y trouve pas le plus léger ennui, au contraire ! répondit avec empressement dame Gertrude ; car, même quand je suis souffrante, je ne manque pas un seul jour de promener de la cave que grenier la baguette magique que je dois à votre générosité, et ma santé elle-même s'en est trouvée fort bien, je vous assure !...
L'ermite se prit à sourire de plus belle en entendant la riche marchande parler ainsi.
- Laissons-là cette plaisanterie, ma fille, lui dit-il enfin en lui pressant les mains avec une gravité affectueuse, car cette baguette n'est rien par elle-même et je vous ai fait croire à sa fausse vertu que pour vous décider, en frappant vivement votre imagination à surveiller vos affaires au lieu de vous en rapporter à autrui ; car ce qui ruinait votre maison, c'était le désordre, et ce qui l'enrichira et la rendra prospère à jamais, ce seront l'ordre et la vigilance dont vous avez pris l'habitude, grâce à ma baguette de coudrier.
Adieu, ma chère enfant, n'oubliez pas mes avis, ni la baguette de l'ermite.

Comtesse DE BASSANVILLE