016 Livre Des contes et légendes |
074 Coyote et le soleil |
Coyote et le soleil C'était au temps où il se passait sur terre des choses que nous avons peine à comprendre aujourd'hui. Dans ce temps-là, le pays de l'Ouest, que traverse la Sierra Nevada, était plongé dans une obscurité profonde. Le soleil n'y brillait jamais, et, parce qu'il n'y avait pas de soleil, on n'y trouvait ni fleurs, ni fruits, ni chansons, ni gaieté : tout y était triste, morne et lent. C'est là que vivait un grand chasseur. Il s'appelait Coyote. Entraîné par la chasse, il s'aventura un jour loin, très loin, et arriva dans une région qui lui sembla merveilleuse. Là, le soleil éclairait la terre pendant le jour, la lune brillait pendant la nuit. Il y avait des fruits et des fleurs sur les arbres, dans les buissons, et jusque sur le bord des rivières et des étangs ; les plumes des oiseaux étaient de couleurs éclatantes : bleu, jaune, rouge, Ceux-ci chantaient dès l'aube jusqu'au crépuscule, et les enfants et les femmes chantaient aussi. Revenu chez lui, Coyote raconta au vieux chef ce qu'il avait vu, mais le vieux chef, qui ne pouvait s'imaginer de telles chose, ne le crut pas ; aussi Coyote, dont le cerveau se trouvait de nouveau peu à peu engourdi par l'obscurité, Coyote en vint à douter lui-même de ce qui était arrivé. Voulant toutefois en avoir le cœur net, il décida, un beau matin, d'essayer de retourner vers ce pays enchanteur, pour s'assure que ce qu'il avait raconté de si bonne foi existait vraiment. Il reprit donc le même chemin, traversa les montagnes, les forêts, la grande prairie. Il revit les fleurs, les fruits, les oiseaux, les enfants heureux et le soleil qui semblait présider une fête continuelle. Plus de doute. Tout cela était réel. Ce n'était ni un rêve, ni une invention. Revenu dans ses montagnes obscures, il raconta donc, de nouveau, son histoire. Il la raconta à tous ceux qui voulaient l'entendre, mais nul ne pouvait comprendre. On le croyait un peu fou et on commençait à le tourner en ridicule. Coyote, lui, ne pouvait oublier. Le souvenir de cette lumière brillante, de cette douce chaleur et de la gaieté devenait une obsession. Non seulement il pensait au soleil pendant le jour, mais il croyait le voir même pendant la nuit. N'y tenant plus il partit de nouveau, résolu à rapporter chez lui cet astre merveilleux, capable de faire de si belles chose. Pour la troisième fois, il quitta ses montagnes. Arrivé au bout de son voyage, il se cacha dans un buisson et, de là, pendant plusieurs jours, épia soigneusement ce qui se passait. Il découvrit que, pendant la nuit, le chef du village gardait le soleil chez lui. C'est d'ailleurs chez qu'il gardait aussi la lune. Un soir donc, Coyote, voyant revenir la femme du chef, se transforma en branche d'arbre bien sèche, après s'être placé au beau milieu du chemin, à quelques pas de la demeure. La squaw se baissa, ramassa la branche et l'emporta. "Voilà, pensa-t-elle, de quoi allumer mon feu." C'était exactement ce que souhaitait Coyote. Une fois dans la place, il se tint bien tranquille, mêlé au bois qui devait servir le lendemain à l'aube. Il vit entrer le chef. Celui-ci tenait à la main le soleil qu'il posa près de lui, à la place de la lune que sa femme emporta pour l'accrocher dans le ciel, comme elle le faisait chaque soir. Tout était tranquille. Bientôt le chef, fatigué par une journée de chasse, s'endormit. Sa femme rentra, se coucha à côté de lui et s'endormit à son tour. Lorsqu'il fut certain que tous deux étaient plongés dans un profond sommeil et ne pouvaient pas l'entendre, Coyote reprit sa forme primitive, saisit le soleil, sortit de la hutte le plus doucement possible et, une fois dehors, se sauva à toutes jambes. Malgré ces précautions, il avait dû faire un peu de bruit en partant, car le chef se réveilla. Il s'aperçut immédiatement du vol, sortit en hâte, appela ses hommes, qui tous se mirent à la poursuite du voleur. Mais Coyote courait si vite que l'on finit par perdre sa trace. Revenu dans ses montagnes, il montra le soleil à ses amis et au chef de la tribu. Ni celui-ci, ni aucun autre d'ailleurs, n'avait jamais rien vu de semblable. Le chef toucha du pied la boule éblouissante et demanda : - A quoi cela peut-il servir ? - Cela va servir à nous donner de la chaleur et de la lumière, répondit Coyote. Nous allons le faire marcher haut dans le ciel, afin que toute la terre puisse en profiter. Et Coyote monta sur la plus haute des montagnes. Il lança le soleil au-dessus des nuages et lui ordonna de traverser le soleil de l'Est à l'Ouest pendant le jour. C'est depuis ce temps-là que le soleil nous prodigue à tous ses rayons, sa chaleur et sa lumière. |