007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
LA MORT |
CXLVIII LA MORT DES ARTISTES Combien faut-il de fois secouer mes grelots Et baiser ton front bas, morne Caricature ? Pour piquer dans le but, de mystique nature, Combien, ô mon carquois, perdre de javelots ? Nous userons notre âme en de subtils complots, Et nous démolirons mainte lourde armature, Avant de contempler la grande Créature Dont l’infernal désir nous remplit de sanglots ! Il en est qui jamais n’ont connu leur Idole, Et ces sculpteurs damnés et marqués d’un affront, Qui vont te martelant la poitrine et le front, N’ont qu’un espoir, étrange et sombre Capitole ! C’est que la Mort, planant comme un soleil nouveau, Fera s’épanouir les fleurs de leur cerveau ! |
La Mort des artistes Combien faut-il de fois secouer mes grelots Et baiser ton front bas, morne caricature ? Pour piquer dans le but, de mystique nature, Combien, ô mon carquois, perdre de javelots ? Nous userons notre âme en de subtils complots, Et nous démolirons mainte lourde armature, Avant de contempler la grande Créature Dont l’infernal désir nous remplit de sanglots ! Il en est qui jamais n’ont connu leur Idole, Et ces sculpteurs damnés et marqués d’un affront, Qui vont se martelant la poitrine et le front, N’ont qu’un espoir, étrange et sombre Capitole ! C’est que la Mort, planant comme un soleil nouveau, Fera s’épanouir les fleurs de leur cerveau ! The Death of Artists How many times must I shake my bauble and bells And kiss your low forehead, dismal caricature ? To strike the target of mystic nature, How many javelins must I waste, O my quiver ? We shall wear out our souls in subtle schemes And we shall demolish many an armature Before contemplating the glorious Creature For whom a tormenting desire makes our hearts grieve ! There are some who have never known their Idol And those sculptors, damned and branded with shame, Who are always hammering their brows and their breasts, Have but one hope, bizarre and somber Capitol ! It is that Death, soaring like a new sun, Will bring to bloom the flowers of their brains ! – William Aggeler, 1954 The Death of Artists How often must I shake my bells, and kiss Your brow, sad Travesty ? How many a dart, My quiver, shoot at Nature’s mystic heart Before I hit the target that I miss ? We’ll still consume our souls in subtle schemes, Demolishing tough harness, long before We see the giant Creature of our dreams Whom all the world is weeping to adore. Some never knew their Idol, though they prayed : And these doomed sculptors, with an insult branded, Hammer your brows and bosom, heavy-handed, In the one hope, O Capitol of shade ! That Death like some new sun should rise and give Warmth to their wasted flowers, and make them live. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |