007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
RÉVOLTE |
CXLIV ABEL ET CAÏN I Race d’Abel, dors, bois et mange ; Dieu te sourit complaisamment. Race de Caïn, dans la fange Rampe et meurs misérablement. Race d’Abel, ton sacrifice Flatte le nez du Séraphin ! Race de Caïn, ton supplice Aura-t-il jamais une fin ? Race d’Abel, vois tes semailles Et ton bétail venir à bien ; Race de Caïn, tes entrailles Hurlent la faim comme un vieux chien. Race d’Abel, chauffe ton ventre À ton foyer patriarcal ; Race de Caïn, dans ton antre Tremble de froid, pauvre chacal ! Race d’Abel, aime et pullule ! Ton or fait aussi des petits. Race de Caïn, cœur qui brûle, Prends garde à ces grands appétits. Race d’Abel, tu crois et broutes Comme les punaises des bois ! Race de Caïn, sur les routes Traîne ta famille aux abois. II Ah ! race d’Abel, ta charogne Engraissera le sol fumant ! Race de Caïn, ta besogne N’est pas faite suffisamment ; Race d’Abel, voici ta honte : Le fer est vaincu par l’épieu ! Race de Caïn, au ciel monte Et sur la terre jette Dieu ! |
Abel et Caïn I Race d’Abel, dors, bois et mange ; Dieu te sourit complaisamment. Race de Caïn, dans la fange Rampe et meurs misérablement. Race d’Abel, ton sacrifice Flatte le nez du Séraphin ! Race de Caïn, ton supplice Aura-t-il jamais une fin ? Race d’Abel, vois tes semailles Et ton bétail venir à bien ; Race de Caïn, tes entrailles Hurlent la faim comme un vieux chien. Race d’Abel, chauffe ton ventre À ton foyer patriarcal ; Race de Caïn, dans ton antre Tremble de froid, pauvre chacal ! Race d’Abel, aime et pullule ! Ton or fait aussi des petits. Race de Caïn, coeur qui brûle, Prends garde à ces grands appétits. Race d’Abel, tu croîs et broutes Comme les punaises des bois ! Race de Caïn, sur les routes Traîne ta famille aux abois. II Ah! race d’Abel, ta charogne Engraissera le sol fumant ! Race de Caïn, ta besogne N’est pas faite suffisamment ; Race d’Abel, voici ta honte : Le fer est vaincu par l’épieu ! Race de Caïn, au ciel monte, Et sur la terre jette Dieu ! Cain and Abel I Race of Abel, sleep, eat and drink ; God smiles on you complacently. Race of Cain, crawl on your belly, Die in the mire wretchedly. Race of Abel, your sacrifice Delights the nose of the Seraphim ! Race of Cain, will there ever be An ending to your punishment ? Race of Abel, see your sowing And your cattle thrive and flourish ; Race of Cain, your bowels Howl with hunger like an old dog. Race of Abel, warm your belly At your patriarchal hearth ; Race of Cain, shiver with the cold In your cavern, wretched jackal ! Race of Abel, love, pullulate ! Even your gold has progeny. Race of Cain, with the burning heart, Beware of those intense desires. Race of Abel, you browse and grow Like the insects of the forest ! Race of Cain, along the highways Drag your destitute family. II Ah! race of Abel, your carcass Will fertilize the steaming soil ! Race of Cain, your appointed task Has not been adequately done ; Race of Abel, your disgrace is : The sword is conquered by the pike ! Race of Cain, ascend to heaven, And cast God down upon the earth ! – William Aggeler, 1954 Abel and Cain I Race of Abel ! eat, sleep, drink. God smiles on those that he prefers. Race of Cain !in swamps that stink, Crawl, and die the death of curs. Race of Abel ! your crops sprout, And your flocks are safe and sound. Race of Cain ! your guts howl out In hunger, like an ancient hound. Race of Abel ! warm your guts At the patriarchal fire. Race of Cain ! in caves and huts Shiver like jackals in the mire. Race of Abel ! Pullulate : Your gold too procreates its kind. Race of Cain ! Hearts hot with hate, Leave all such appetites behind. Race of Abel ! grow and graze, Like woodlice that on timbers prey. Race of Cain ! along rough ways Lead forth your family at bay. II Ah! Race of Abel ! your fat carrion Will well manure the soil it presses. Race of Cain ! One task to carry on Remains for you, a task that presses. Race of Abel ! Shame is nigh. The coulter’s beaten by the sword. Race of Cain, climb up the sky, And to the earth hurl down the Lord. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |