007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
FLEURS DU MAL |
CXXXIV LA DESTRUCTION Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon Il nage autour de moi comme un air impalpable ; Je l’avale et le sens qui brûle mon poumon Et l’emplit d’un désir éternel et coupable. Parfois il prend, sachant mon grand amour de l’Art, La forme de la plus séduisante des femmes, Et, sous de spécieux prétextes de cafard, Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes. Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu, Haletant et brisé de fatigue, au milieu Des plaines de l’Ennui, profondes et désertes, Et jette dans mes yeux pleins de confusion Des vêtements souillés, des blessures ouvertes, Et l’appareil sanglant de la Destruction ! |
La Destruction Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon ; II nage autour de moi comme un air impalpable ; Je l’avale et le sens qui brûle mon poumon Et l’emplit d’un désir éternel et coupable. Parfois il prend, sachant mon grand amour de l’Art, La forme de la plus séduisante des femmes, Et, sous de spécieux prétextes de cafard, Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes. II me conduit ainsi, loin du regard de Dieu, Haletant et brisé de fatigue, au milieu Des plaines de l’Ennui, profondes et désertes, Et jette dans mes yeux pleins de confusion Des vêtements souillés, des blessures ouvertes, Et l’appareil sanglant de la Destruction ! Destruction The Demon is always moving about at my side ; He floats about me like an impalpable air ; I swallow him, I feel him burn my lungs And fill them with an eternal, sinful desire. Sometimes, knowing my deep love for Art, he assumes The form of a most seductive woman, And, with pretexts specious and hypocritical, Accustoms my lips to infamous philtres. He leads me thus, far from the sight of God, Panting and broken with fatigue, into the midst Of the plains of Ennui, endless and deserted, And thrusts before my eyes full of bewilderment, Dirty filthy garments and open, gaping wounds, And all the bloody instruments of Destruction ! – William Aggeler, 1954 Destruction Always the Demon fidgets here beside me And swims around, impalpable as air : I drink him, feel him burn the lungs inside me With endless evil longings and despair. Sometimes, knowing my love of Art, he uses Seductive forms of women : and has thus, With specious, hypocritical excuses, Accustomed me to philtres infamous. Leading me wayworn into wastes untrod Of boundless Boredom, out of sight of God, Using all baits to compass my abduction, Into my eyes, confused and full of woe, Soiled clothes and bleeding gashes he will throw And all the grim regalia of Destruction. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |