007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
FLEURS DU MAL
CXXXIII

ÉPIGRAPHE POUR UN LIVRE CONDAMNÉ

Lecteur paisible et bucolique,
Sobre et naïf homme de bien,
Jette ce livre saturnien,
Orgiaque et mélancolique.

Si tu n’as fait ta rhétorique
Chez Satan, le rusé doyen,
Jette ! tu n’y comprendrais rien,
Ou tu me croirais hystérique.

Mais si, sans se laisser charmer,
Ton œil sait plonger dans les gouffres,
Lis-moi, pour apprendre à m’aimer ;

Âme curieuse qui souffres
Et vas cherchant ton paradis,
Plains-moi !… Sinon, je te maudis !
 
Épigraphe pour un livre condamné (1868)

Lecteur paisible et bucolique,
Sobre et naïf homme de bien,
Jette ce livre saturnien,
Orgiaque et mélancolique.

Si tu n’as fait ta rhétorique
Chez Satan, le rusé doyen,
Jette ! tu n’y comprendrais rien,
Ou tu me croirais hysthérique.

Mais si, sans se laisser charmer,
Ton oeil sait plonger dans les gouffres,
Lis-moi, pour apprendre à m’aimer ;

Âme curieuse qui souffres
Et vas cherchant ton paradis,
Plains-moi !... Sinon, je te maudis !





Epigraph for a Condemned Book

Quiet and bucolic reader,
Upright man, sober and naive,
Throw away this book, saturnine,
Orgiac and melancholy.
If you did not do your rhetoric
With Satan, that artful dean,
Throw it away, you’d grasp nothing,
Or else think me hysterical.
But if, without being entranced,
Your eye can plunge in the abyss,
Read me, to learn to love me;
Inquisitive soul that suffers
And keeps on seeking paradise,
Pity me!... or else, I curse you !
– William Aggeler, 1954


Epigraph for a Condemned Book

Dear reader, peaceful and bucolic,
Ingenuous, sober, hierophantic,
Lay by this book so corybantic,
So Saturnine, and melancholic.
If elsewhere than in Satan’s school
You learned your syntax and your grammar,
Lay by ! You’ll think I rave and stammer
And am a stark, hysteric fool.
But if, not yielding to their charm,
Your eye can plumb the gulfs of harm –
Then learn to love me, read my verses.
Inquiring sufferer, who seek
Your Paradise, to you I speak :
Pity me!... else, receive my curses !
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal