007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
TABLEAUX PARISIENS |
CXXV BRUMES ET PLUIES Ô fins d’automne, hivers, printemps trempés de boue, Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue D’envelopper ainsi mon cœur et mon cerveau D’un linceul vaporeux et d’un vague tombeau Dans cette grande plaine où l’autan froid se joue, Où par les longues nuits la girouette s’enroue, Mon âme mieux qu’au temps du tiède renouveau Ouvrira largement ses ailes de corbeau. Rien n’est plus doux au cœur plein de choses funèbres. Et sur qui dès longtemps descendent les frimas, Ô blafardes saisons, reines de nos climats, Que l’aspect permanent de vos pâles ténèbres, — Si ce n’est, par un soir sans lune, deux à deux, D’endormir la douleur sur un lit hasardeux. |
Brumes et pluies Ô fins d’automne, hivers, printemps trempés de boue, Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue D’envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau D’un linceul vaporeux et d’un vague tombeau. Dans cette grande plaine où l’autan froid se joue, Où par les longues nuits la girouette s’enroue, Mon âme mieux qu’au temps du tiède renouveau Ouvrira largement ses ailes de corbeau. Rien n’est plus doux au coeur plein de choses funèbres, Et sur qui dès longtemps descendent les frimas, Ô blafardes saisons, reines de nos climats, Que l’aspect permanent de vos pâles ténèbres, – Si ce n’est, par un soir sans lune, deux à deux, D’endormir la douleur sur un lit hasardeux. Mist and Rain O ends of autumn, winters, springtimes drenched with mud, Seasons that lull to sleep ! I love you, I praise you For enfolding my heart and mind thus In a misty shroud and a filmy tomb. On that vast plain where the cold south wind plays, Where in the long, dark nights the weather-cock grows hoarse, My soul spreads wide its raven wings More easily than in the warm springtide. Nothing is sweeter to a gloomy heart On which the hoar-frost has long been falling, Than the permanent aspect of your pale shadows, O wan seasons, queens of our clime – Unless it be to deaden suffering, side by side In a casual bed, on a moonless night. – William Aggeler, 1954 Mist and Rain O Autumns,Winters, Springs ! Seasons of mire ! Soul-drowsing times ! I love you. Take my praise For shrouding thus my heart and brain entire In a vague tomb and winding-sheet of haze. Through the long nights when the south-wester swings The rusty vanes that shriek upon the towers, My soul can fully stretch its raven wings More easily than in the warmer hours. Nothing is sweeter to funereal hearts On whom the frost of ages has been laid – Wan seasons, when you queen it round these parts, – Than the eternal sight of your pale shade : Unless on moonless midnights, pair by pair, To lull, upon chance beds, our hearts’ despair. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |