007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
CIII

LES PLAINTES D’UN ICARE

Les amants des prostituées
Sont heureux, dispos et repus ;
Quant à moi, mes bras sont rompus
Pour avoir étreint des nuées.

C’est grâce aux astres nonpareils,
Qui tout au fond du ciel flamboient,
Que mes yeux consumés ne voient
Que des souvenirs de soleils.

En vain j’ai voulu de l’espace
Trouver la fin et le milieu ;
Sous je ne sais quel œil de feu
Je sens mon aile qui se casse ;

Et brûlé par l’amour du beau,
Je n’aurai pas l’honneur sublime
De donner mon nom à l’abîme
Qui me servira de tombeau.
 
Les Plaintes d’un Icare (1868)

Les amants des prostituées
Sont heureux, dispos et repus ;
Quant à moi, mes bras sont rompus
Pour avoir étreint des nuées.

C’est grâce aux astres nonpareils,
Qui tout au fond du ciel flamboient,
Que mes yeux consumés ne voient
Que des souvenirs de soleils.

En vain j’ai voulu de l’espace
Trouver la fin et le milieu ;
Sous je ne sais quel oeil de feu
Je sens mon aile qui se casse ;

Et brûlé par l’amour du beau,
Je n’aurai pas l’honneur sublime
De donner mon nom à l’abîme
Qui me servira de tombeau.




The Complaints of an Icarus

The lovers of prostitutes
Are happy, healthy, and sated ;
As for me, my arms are weary
Because I have embraced the clouds,
It is thanks to the peerless stars
That flame in the depth of the sky
That my burned out eyes see
Only the memories of suns.
I tried in vain to find
The middle and the end of space ;
I know not under what fiery eye
I feel my pinions breaking ;
Burned by love of the beautiful
I shan’t have the sublime honor
Of giving my name to the abyss
That will serve me as a tomb.
– William Aggeler, 1954

Complaint of an Icarus

Those who love whores are well-endowed,
Spry, and well-fed, and cheerful-spoken.
But, as for me, my arms are broken
From trying to embrace a cloud.
To what two peerless stars have done
That kindle in the farthest skies,
I owe it that my burnt-out eyes
Know only memories of the sun.
In vain I’ve tried to find the pole
And the equator-line of space.
I know not by what burning gaze
The wings were molten from my soul.
By love of beauty singed, I fall
Yet fail the honour and the bliss
To give my name to the abyss
Which serves me for my tomb and pall.
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal