007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
CI

SUR LE TASSE EN PRISON
D’EUGÈNE DELACROIX

Le poëte au cachot, débraillé, maladif,
Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d’un regard que la terreur enflamme
L’escalier de vertige où s’abîme son âme.

Les rires enivrants dont s’emplit la prison
Vers l’étrange et l’absurde invitent sa raison ;
Le Doute l’environne, et la Peur ridicule,
Hideuse et multiforme, autour de lui circule.

Ce génie enfermé dans un taudis malsain,
Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l’essaim
Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,

Ce rêveur que l’horreur de son logis réveille,
Voilà bien ton emblème, Âme aux songes obscurs,
Que le Réel étouffe entre ses quatre murs !
 
Sur ‘Le Tasse en prison’ d’Eugène Delacroix (1868)

Le poète au cachot, débraillé, maladif,
Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d’un regard que la terreur enflamme
L’escalier de vertige où s’abîme son âme.

Les rires enivrants dont s’emplit la prison
Vers l’étrange et l’absurde invitent sa raison ;
Le Doute l’environne, et la Peur ridicule,
Hideuse et multiforme, autour de lui circule.

Ce génie enfermé dans un taudis malsain,
Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l’essaim
Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,

Ce rêveur que l’horreur de son logis réveille,
Voilà bien ton emblème, Âme aux songes obscurs,
Que le Réel étouffe entre ses quatre murs !




On ‘Tasso in Prison’ by Eugene Delacroix

The poet in the dungeon, sickly and unkempt,
Rolling a manuscript under his convulsed foot,
Measures with a look that terror enflames
The stairway of vertigo down which his soul plunges.
The intoxicating laughs that fill the prison
Invite his reason to the strange and the absurd ;
Doubt surrounds him and ridiculous Fear,
Hideous and multiform, flows all about him.
This genius imprisoned in a noisome hovel,
Those grimaces, those cries, that swarm of ghosts
Gathered in a pack, swirls behind his car,
This dreamer wakened by the horror of his lodgings,
That’s indeed your symbol, Soul with the obscure dreams,
Whom Reality stifles inside its four walls !
– William Aggeler, 1954


On Delacroix’s Picture of Tasso in Prison

The poet, sick, and with his chest half bare
Tramples a manuscript in his dark stall,
Gazing with terror at the yawning stair
Down which his spirit finally must fall.
Intoxicating laughs which fill his prison
Invite him to the Strange and the Absurd.
With ugly shapes around him have arisen
Both Doubt and Terror, multiform and blurred.
This genius cooped in an unhealthy hovel,
These cries, grimaces, ghosts that squirm and grovel
Whirling around him, mocking as they call,
This dreamer whom these horrors rouse with screams,
They are your emblem, Soul of misty dreams
Round whom the Real erects its stifling wall.
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal