007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
C

LE COUCHER DU SOLEIL ROMANTIQUE

Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
— Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu’un rêve !

Je me souviens !… J’ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son œil comme un cœur qui palpite…
— Courons vers l’horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !

Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire ;
L’irrésistible Nuit établit son empire,
Noire, humide, funeste et pleine de frissons ;

Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,
Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons.
 
Le Coucher du Soleil Romantique (1868)

Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
– Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu’un rêve !

Je me souviens !... J’ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
– Courons vers l’horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !

Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire ;
L’irrésistible Nuit établit son empire,
Noire, humide, funeste et pleine de frissons ;

Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,
Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons.




The Sunset of Romanticism

How beautiful the Sun is when newly risen
He hurls his morning greetings like an explosion !
– Fortunate the one who can lovingly salute
His setting, more glorious than a dream !
I remember !... I have seen all, flower, stream, furrow,
Swoon under his gaze like a palpitating heart...
– Let us run to the horizon, it’s late,
Let us run fast, to catch at least a slanting ray !
But I pursue in vain the sinking god ;
Irresistible Night, black, damp, deadly,
Full of shudders, establishes his reign ;
The odor of the tomb swims in the shadows
And at the marsh’s edge my timid foot
Treads upon slimy snails and unexpected toads.
– William Aggeler, 1954


Romantic Sunset

How lovely is the sun, when, freshly soaring,
Like an explosion, first he bids “Good-Day.”
Happy the man, on gorgeous sunsets poring,
Who can salute with love its parting ray.
I’ve seen all things, flower, furrow, pond, and rill,
Swoon in his gaze like a poor heart that dies.
Run to the skyline. It is late.We still
May catch one parting ray before it flies.
But it’s in vain I chase my God receding.
Night irresistible, damp, black, unheeding
Establishes her empire, full of fear.
Amongst the shades a grave-like odour trails.
My naked feet walk into chilly snails
And bullfrogs unforeseen along the mere.
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal