007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
XCVI

LES YEUX DE BERTHE

Vous pouvez mépriser les yeux les plus célèbres,
Beaux yeux de mon enfant, par où filtre et s’enfuit
Je ne sais quoi de bon, de doux comme la Nuit !
Beaux yeux, versez sur moi vos charmantes ténèbres !

Grands yeux de mon enfant, arcanes adorés,
Vous ressemblez beaucoup à ces grottes magiques
Où, derrière l’amas des ombres léthargiques,
Scintillent vaguement des trésors ignorés !

Mon enfant a des yeux obscurs, profonds et vastes,
Comme toi, Nuit immense, éclairés comme toi !
Leurs feux sont ces pensers d’Amour, mêlés de Foi,
Qui petillent au fond, voluptueux ou chastes.
 
Les Yeux de Berthe (1868)

Vous pouvez mépriser les yeux les plus célèbres,
Beaux yeux de mon enfant, par où filtre et s’enfuit
Je ne sais quoi de bon, de doux comme la Nuit !
Beaux yeux, versez sur moi vos charmantes ténèbres !

Grands yeux de mon enfant, arcanes adorés,
Vous ressemblez beaucoup à ces grottes magiques
Où, derrière l’amas des ombres léthargiques,
Scintillent vaguement des trésors ignorés !

Mon enfant a des yeux obscurs, profonds et vastes,
Comme toi, Nuit immense, éclairés comme toi !
Leurs feux sont ces pensers d’Amour, mêlés de Foi,
Qui pétillent au fond, voluptueux ou chastes.




Bertha’s Eyes

You can hold in contempt the most famous eyes,
Beautiful eyes of my child, whence filters and flees
A certain something as kind, as sweet as the Night !
Beautiful eyes pour your charming shadows upon me!
Urge eyes of my child, adored mysteries,
You greatly resemble those magical grottos
In which, behind the heap of lethargic shadows,
Unknown treasures sparkle indistinctly !
My child has eyes, dark, profound and immense
Like you, vast Night, lighted like you !
Their fires are those thoughts of Love mingled with Faith
Which sparkle in their depths, voluptuous or chaste.
– William Aggeler, 1954


Bertha’s Eyes

The most illustrious gaze you may despise,
Eyes of my child, where filters and takes flight
I know not what of goodness, soft as night.
Pour out on me your lovely shade, dear eyes !
Great eyes of my dear child ! arcanes adored !
You seem like magic caves where shadow darkles
And, through the mass of crowded gloom, there sparkles
And scintillates some richly treasured hoard.
My girl has eyes as deep, vast, and serene
As you, O night, immense, and lit like you ;
Their fires are thoughts of Love, with faith shot through,
Voluptuous, and chaste, though sparkling keen.
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal