007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
LXXVII SPLEEN Pluviôse, irrité contre la vie entière, De son urne à grands flots verse un froid ténébreux Aux pâles habitants du voisin cimetière Et la mortalité sur les faubourgs brumeux. Mon chat sur le carreau cherchant une litière Agite sans repos son corps maigre et galeux ; L’âme d’un vieux poëte erre dans la gouttière Avec la triste voix d’un fantôme frileux. Le bourdon se lamente, et la bûche enfumée Accompagne en fausset la pendule enrhumée, Cependant qu’en un jeu plein de sales parfums, Héritage fatal d’une vieille hydropique, Le beau valet de cœur et la dame de pique Causent sinistrement de leurs amours défunts. |
Spleen Pluviôse, irrité contre la ville entière, De son urne à grands flots verse un froid ténébreux Aux pâles habitants du voisin cimetière Et la mortalité sur les faubourgs brumeux. Mon chat sur le carreau cherchant une litière Agite sans repos son corps maigre et galeux ; L’âme d’un vieux poète erre dans la gouttière Avec la triste voix d’un fantôme frileux. Le bourdon se lamente, et la bûche enfumée Accompagne en fausset la pendule enrhumée Cependant qu’en un jeu plein de sales parfums, Héritage fatal d’une vieille hydropique, Le beau valet de coeur et la dame de pique Causent sinistrement de leurs amours défunts. Spleen January, irritated with the whole city, Pours from his urn great waves of gloomy cold On the pale occupants of the nearby graveyard And death upon the foggy slums. My cat seeking a bed on the tiled floor Shakes his thin, mangy body ceaselessly ; The soul of an old poet wanders in the rain-pipe With the sad voice of a shivering ghost. The great bell whines, the smoking log Accompanies in falsetto the snuffling clock, While in a deck of cards reeking of filthy scents, My mortal heritage from some dropsical old woman, The handsome knave of hearts and the queen of spades Converse sinisterly of their dead love affair. – William Aggeler, 1954 Spleen The Month of Rains, incensed at life, outpours Out of her urn, a dark chill, like a penance, Over the graveyards and their wan, grey tenants And folk in foggy suburbs out of doors. My cat seeks out a litter on the ground Twitching her scrawny body flecked with mange. The soul of some old poet seems to range The gutter, with a chill phantasmal sound. The big bell tolls : damp hearth-logs seem to mock, Whistling, the sniffle-snuffle of the clock, While in the play of odours stale with must, Reminders of a dropsical old crone, The knave of hearts and queen of spades alone Darkly discuss a passion turned to dust. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |