007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
LXXVI

LA CLOCHE FÊLÉE

Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente !

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts !
 
La Cloche fêlée

Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente !

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
II arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts.





The Flawed Bell

It is bitter and sweet on winter nights
To listen by the fire that smokes and palpitates,
To distant souvenirs that rise up slowly
At the sound of the chimes that sing in the fog.
Happy is the bell which in spite of age
Is vigilant and healthy, and with lusty throat
Faithfully sounds its religious call,
Like an old soldier watching from his tent !
I, my soul is flawed, and when, a prey to ennui,
She wishes to fill the cold night air with her songs,
It often happens that her weakened voice
Resembles the death rattle of a wounded man,
Forgotten beneath a heap of dead, by a lake of blood,
Who dies without moving, striving desperately.
– William Aggeler, 1954


The Cracked Bell

It’s sweet and bitter, of a winter night,
To hear, beside the crackling, smoking log,
Far memories prepare themselves for flight
To carillons that sound amid the fog.
Happy’s the bell whose vigorous throat on high,
in spite of time, is sound and still unspent,
To hurl his faithful and religious cry
Like an old soldier watching in his tent.
My soul is cracked, and when amidst its care
It tries with song to fill the frosty air,
Sometimes, its voice seems like the feeble croak
A wounded soldier makes, lost in the smoke,
Beneath a pile of dead, in bloody mire,
Trying, with fearful efforts, to expire.
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal