007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
LXXIII UNE GRAVURE FANTASTIQUE Ce spectre singulier n’a pour toute toilette, Grotesquement campé sur son front de squelette, Qu’un diadème affreux sentant le carnaval. Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval, Fantôme comme lui, rosse apocalyptique, Qui bave des naseaux comme un épileptique. Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux, Et foulent l’infini d’un sabot hasardeux. Le cavalier promène un sabre qui flamboie Sur les foules sans nom que sa monture broie, Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison, Le cimetière immense et froid, sans horizon, Où gisent, aux lueurs d’un soleil blanc et terne, Les peuples de l’histoire ancienne et moderne. |
Une gravure fantastique (1861) Ce spectre singulier n’a pour toute toilette, Grotesquement campé sur son front de squelette, Qu’un diadème affreux sentant le carnaval. Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval, Fantôme comme lui, rosse apocalyptique, Qui bave des naseaux comme un épileptique. Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux, Et foulent l’infini d’un sabot hasardeux. Le cavalier promène un sabre qui flamboie Sur les foules sans nom que sa monture broie, Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison, Le cimetière immense et froid, sans horizon, Où gisent, aux lueurs d’un soleil blanc et terne, Les peuples de l’histoire ancienne et moderne. A Fantastic Print That strange specter wears nothing more Than a diadem, atrocious and tawdry, Grotesquely fixed on his skeleton brow. Without spurs, without whip, he winds a horse, A phantom like himself, an apocalyptic steed That foams at the nostrils like an epileptic. Both of them are plunging through space And trampling on the infinite with daring feet. The horseman is waving a flaming sword Over the nameless crowds who are crushed by his mount And examines like a prince inspecting his house, The graveyard, immense and cold, with no horizon, Where lie, in the glimmer of a white, lifeless sun, The races of history, ancient and modern. – William Aggeler, 1954 Fantastic Engraving A monstrous spectre carries on his forehead, And at a rakish tilt, grotesquely horrid, A crown such as at carnivals parade. Without a Whip or spur he rides a jade, A phantom-like apocalyptic moke, Whose nostrils seem with rabid froth to smoke. Across unbounded space the couple moves Spurning infinity with reckless hooves. The horseman waves a sword that lights the gloom Of nameless crowds he tramples to their doom, And, like a prince his mansion, goes inspecting The graveyard, which, no skyline intersecting, Contains, beneath a sun that’s white and bleak, Peoples of history, modem and antique. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |