007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
LXX

LA PIPE

Je suis la pipe d’un auteur ;
On voit, à contempler ma mine
D’Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon maître est un grand fumeur.

Quand il est comblé de douleur,
Je fume comme la chaumine
Où se prépare la cuisine
Pour le retour du laboureur.

J’enlace et je berce son âme
Dans le réseau mobile et bleu
Qui monte de ma bouche en feu,

Et je roule un puissant dictame
Qui charme son cœur et guérit
De ses fatigues son esprit.
 
La Pipe

Je suis la pipe d’un auteur ;
On voit, à contempler ma mine
D’Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon maître est un grand fumeur.

Quand il est comblé de douleur,
Je fume comme la chaumine
Où se prépare la cuisine
Pour le retour du laboureur.

J’enlace et je berce son âme
Dans le réseau mobile et bleu
Qui monte de ma bouche en feu,

Et je roule un puissant dictame
Qui charme son coeur et guérit
De ses fatigues son esprit.





The Pipe

I am the pipe of an author ;
One sees by my color,
Abyssinian or Kaffir,
That my master’s a great smoker.
When he is laden with sorrow,
I smoke like a cottage
Where they are preparing dinner
For the return of the ploughman.
I clasp and lull his soul
In the wavy blue web
That rises from my fiery mouth.
I give forth clouds of dittany
That warm his heart and cure
His mind of its fatigue.
– William Aggeler, 1954


The Author’s Pipe

I am an author’s pipe. To see me
And my outlandish shape to heed,
You’d know my master was a dreamy
Inveterate smoker of the weed.
When be is loaded down with care,
I like a stove will smoke and burn
Wherein the supper they prepare
Against the labourer’s return.
I nurse his spirit with my charm
Swaying it in a soft, uncertain,
And vaguely-moving azure curtain.
I roll a potent cloud of balm
To lull his spirit into rest
And cure the sorrows in his breast.
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal