007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
LXVIII

LES CHATS

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
 
Les Chats

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.




Cats

Both ardent lovers and austere scholars
Love in their mature years
The strong and gentle cats, pride of the house,
Who like them are sedentary and sensitive to cold.
Friends of learning and sensual pleasure,
They seek the silence and the horror of darkness ;
Erebus would have used them as his gloomy steeds :
If their pride could let them stoop to bondage.
When they dream, they assume the noble attitudes
Of the mighty sphinxes stretched out in solitude,
Who seem to fall into a sleep of endless dreams ;
Their fertile loins are full of magic sparks,
And particles of gold, like fine grains of sand,
Spangle dimly their mystic eyes.
– William Aggeler, 1954


Cats

Sages austere and fervent lovers both,
In their ripe season, cherish cats, the pride
Of hearths, strong, mild, and to themselves allied
In chilly stealth and sedentary sloth.
Friends both to lust and learning, they frequent
Silence, and love the horror darkness breeds.
Erebus would have chosen them for steeds
To hearses, could their pride to it have bent.
Dreaming, the noble postures they assume
Of sphinxes stretching out into the gloom
That seems to swoon into an endless trance.
Their fertile flanks are full of sparks that tingle,
And particles of gold, like grains of shingle,
Vaguely be-star their pupils as they glance.
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal