007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
LXVII TRISTESSE DE LA LUNE Ce soir, la Lune rêve avec plus de paresse ; Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins, Qui, d’une main distraite et légère, caresse Avant de s’endormir le contour de ses seins, Sur le dos satiné des molles avalanches, Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons, Et promène ses yeux sur les visions blanches Qui montent dans l’azur comme des floraisons. Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive, Elle laisse filer une larme furtive, Un poëte pieux, ennemi du sommeil, Dans le creux de sa main prend cette larme pâle, Aux reflets irisés comme un fragment d’opale, Et la met dans son cœur loin des yeux du Soleil. |
Tristesses de la lune Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ; Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins, Qui d’une main distraite et légère caresse Avant de s’endormir le contour de ses seins, Sur le dos satiné des molles avalanches, Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons, Et promène ses yeux sur les visions blanches Qui montent dans l’azur comme des floraisons. Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive, Elle laisse filer une larme furtive, Un poète pieux, ennemi du sommeil, Dans le creux de sa main prend cette larme pâle, Aux reflets irisés comme un fragment d’opale, Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil. Sadness of the Moon Tonight the moon dreams with more indolence, Like a lovely woman on a bed of cushions Who fondles with a light and listless hand The contour of her breasts before falling asleep ; On the satiny back of the billowing clouds, Languishing, she lets herself fall into long swoons And casts her eyes over the white phantoms That rise in the azure like blossoming flowers. When, in her lazy listlessness, She sometimes sheds a furtive tear upon this globe, A pious poet, enemy of sleep, In the hollow of his hand catches this pale tear, With the iridescent reflections of opal, And hides it in his heart afar from the sun’s eyes. – William Aggeler, 1954 Sorrow of the Moon More drowsy dreams the moon tonight. She rests Like a proud beauty on heaped cushions pressing, With light and absent-minded touch caressing, Before she sleeps, the contour of her breasts. On satin-shimmering, downy avalanches She dies from swoon to swoon in languid change, And lets her eyes on snowy visions range That in the azure rise like flowering branches. When sometimes to this earth her languor calm Lets streak a stealthy tear, a pious poet, The enemy of sleep, in his cupped palm, Takes this pale tear, of liquid opal spun With rainbow lights, deep in his heart to stow it Far from the staring eyeballs of the Sun. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |