007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
LXVI SONNET D’AUTOMNE Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal : « Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? » — Sois charmante et tais-toi ! Mon cœur, que tout irrite, Excepté la candeur de l’antique animal, Ne veut pas te montrer son secret infernal, Berceuse dont la main aux longs sommeils m’invite ! Ni sa noire légende avec la flamme écrite. Je hais la passion et l’esprit me fait mal ! Aimons-nous doucement. L’Amour dans sa guérite, Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal. Je connais les engins de son vieil arsenal : Crime, horreur et folie ! — Ô pâle marguerite ! Comme moi n’es-tu pas un soleil automnal, Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ? |
Sonnet d’automne (1861) Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal : « Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? » – Sois charmante et tais-toi ! Mon coeur, que tout irrite, Excepté la candeur de l’antique animal, Ne veut pas te montrer son secret infernal, Berceuse dont la main aux longs sommeils m’invite, Ni sa noire légende avec la flamme écrite. Je hais la passion et l’esprit me fait mal ! Aimons-nous doucement. L’Amour dans sa guérite, Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal. Je connais les engins de son vieil arsenal : Crime, horreur et folie ! – Ô pâle marguerite ! Comme moi n’es-tu pas un soleil automnal, Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ? Autumn Sonnet They say to me, your eyes, clear as crystal : “For you, bizarre lover, what is my merit then ?” – Be charming and be still ! My heart, which all things irk, Except the candor of the animals of old, Does not wish to reveal its black secret to you, Whose lulling hands invite me to long sleep, Nor its somber legend written with flame. I hate passion ; intelligence makes me suffer ! Let us love each other sweetly. Tenebrous Love, Ambushed in his shelter, stretches his fatal bow. I know all the weapons of his old arsenal : Crime, horror, and madness ! – pale marguerite ! Are you not, like me, an autumnal sun, O my Marguerite, so white and so cold ? – William Aggeler, 1954 Autumn Sonnet Your eyes like crystal ask me, clear and mute, “in me, strange lover, what do you admire ?” Be lovely : hush : my heart, whom all things tire Except the candour of the primal brute, Would hide from you the secret burning it And its black legend written out in fire, O soother of the sleep that I respire ! Passion I hate, and I am hurt by wit. Let us love gently. In his lair laid low, Ambushed in shades, Love strings his fatal bow. I know his ancient arsenal complete, Crime, horror, lunacy – O my pale daisy ! Are we not suns in Autumn, silver-hazy, O my so white, so snow-cold Marguerite ? – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |