007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
LXIII

À UNE DAME CRÉOLE

Au pays parfumé que le soleil caresse,
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
A dans le col des airs noblement maniérés ;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d’orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l’abri des ombreuses retraites,
Germer mille sonnets dans le cœur des poëtes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.
 
À une Dame créole

Au pays parfumé que le soleil caresse,
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés ;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d’orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l’abri des ombreuses retraites
Germer mille sonnets dans le coeur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.
 

 


To a Creole Lady

In the perfumed country which the sun caresses,
I knew, under a canopy of crimson trees
And palms from which indolence rains into your eyes,
A Creole lady whose charms were unknown.
Her complexion is pale and warm ; the dark enchantress
Affects a noble air with the movements of her neck.
Tall and slender, she walks like a huntress ;
Her smile is calm and her eye confident.
If you went, Madame, to the true land of glory,
On the banks of the Seine or along the green Loire,
Beauty fit to ornament those ancient manors,
You’d make, in the shelter of those shady retreats,
A thousand sonnets grow in the hearts of poets,
Whom your large eyes would make more subject than your
slaves.
– William Aggeler, 1954


To a Colonial Lady

In scented countries by the sun caressed
I’ve known, beneath a tent of purple boughs,
And palmtrees shedding slumber as they drowse,
A creole lady with a charm unguessed.
She’s pale, and warm, and duskily beguiling ;
Nobility is moulded in her neck ;
Slender and tall she holds herself in check,
An huntress born, sure-eyed, and quiet-smiling.
Should you go, Madam, to the land of glory
Along the Seine or Loire, where you would merit
To ornament some mansion famed in story,
Your eyes would bum in those deep-shaded parts,
And breed a thousand rhymes in poets’ hearts,
Tamed like the negro slaves that you inherit.
– Roy Campbell, 1952

 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal