007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
LI CIEL BROUILLÉ On dirait ton regard d’une vapeur couvert ; Ton œil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?) Alternativement tendre, rêveur, cruel Réfléchit l’indolence et la pâleur du ciel. Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés, Qui font se fondre en pleurs les cœurs ensorcelés, Quand, agités d’un mal inconnu qui les tord, Les nerfs trop éveillés raillent l’esprit qui dort. Tu ressembles parfois à ces beaux horizons Qu’allument les soleils des brumeuses saisons… Comme tu resplendis, paysage mouillé Qu’enflamment les rayons tombant d’un ciel brouillé ! Ô femme dangereuse, ô séduisants climats ! Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas, Et saurai-je tirer de l’implacable hiver Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer ? |
Ciel brouillé On dirait ton regard d’une vapeur couvert ; Ton oeil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?) Alternativement tendre, rêveur, cruel, Réfléchit l’indolence et la pâleur du ciel. Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés, Qui font se fondre en pleurs les coeurs ensorcelés, Quand, agités d’un mal inconnu qui les tord, Les nerfs trop éveillés raillent l’esprit qui dort. Tu ressembles parfois à ces beaux horizons Qu’allument les soleils des brumeuses saisons... Comme tu resplendis, paysage mouillé Qu’enflamment les rayons tombant d’un ciel brouillé ! Ô femme dangereuse, ô séduisants climats ! Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas, Et saurai-je tirer de l’implacable hiver Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer ? Cloudy Sky One would say that your gaze was veiled with mist ; Your mysterious eyes (are they blue, gray or green ?) Alternately tender, dreamy, cruel, Reflect the indolence and pallor of the sky. You call to mind those days, white, soft, and mild, That make enchanted hearts burst into tears, When, shaken by a mysterious, wracking pain, The nerves, too wide-awake, jeer at the sleeping mind. You resemble at times those gorgeous horizons That the sun sets ablaze in the seasons of mist... How resplendent you are, landscape drenched with rain, Aflame with rays that fall from a cloudy sky ! O dangerous woman, O alluring climates ! Will I also adore your snow and your hoar-frost, And can I draw from your implacable winter Pleasures keener than iron or ice ? – William Aggeler, 1954 Misty Sky One would have thought your eyes were veiled in haze Strange eyes ! (Grey, green, or azure is their gaze ?) It seems they would reflect, in each renewal, The changing skies, dull, dreamy, fond, or cruel. You know those days both warm and hazy, which Melt into tears the hearts that they bewitch : And when the nerves, uneasy to control, Too-wide awake, upbraid the sleeping soul. You, too, resemble such a lit horizon As suns of misty seasons now bedizen... As you shine out, a landscape fresh with rain With misty sunbeams sparkling on the plain. Dangerous girl, seductive as the weather ! Shall I adore your snows and frosts together ? In your relentless winter shall I feel A kiss more sharp than that of ice and steel ? – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |