007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
L LE POISON Le vin sait revêtir le plus sordide bouge D’un luxe miraculeux, Et fait surgir plus d’un portique fabuleux Dans l’or de sa vapeur rouge, Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux. L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes, Allonge l’illimité, Approfondit le temps, creuse la volupté, Et de plaisirs noirs et mornes Remplit l’âme au delà de sa capacité. Tout cela ne vaut pas le poison qui découle De tes yeux, de tes yeux verts, Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers… Mes songes viennent en foule Pour se désaltérer à ces gouffres amers. Tout cela ne vaut pas le terrible prodige De ta salive qui mord, Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord, Et, charriant le vertige, La roule défaillante aux rives de la mort ! |
Le Poison Le vin sait revêtir le plus sordide bouge D’un luxe miraculeux, Et fait surgir plus d’un portique fabuleux Dans l’or de sa vapeur rouge, Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux. L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes, Allonge l’illimité, Approfondit le temps, creuse la volupté, Et de plaisirs noirs et mornes Remplit l’âme au delà de sa capacité. Tout cela ne vaut pas le poison qui découle De tes yeux, de tes yeux verts, Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers... Mes songes viennent en foule Pour se désaltérer à ces gouffres amers. Tout cela ne vaut pas le terrible prodige De ta salive qui mord, Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remords, Et charriant le vertige, La roule défaillante aux rives de la mort ! Poison Wine knows how to adorn the most sordid hovel With marvelous luxury And make more than one fabulous portal appear In the gold of its red mist Like a sun setting in a cloudy sky. Opium magnifies that which is limitless, Lengthens the unlimited, Makes time deeper, hollows out voluptuousness, And with dark, gloomy pleasures Fills the soul beyond its capacity. All that is not equal to the poison which flows From your eyes, from your green eyes, Lakes where my soul trembles and sees its evil side... My dreams come in multitude To slake their thirst in those bitter gulfs. All that is not equal to the awful wonder Of your biting saliva, Charged with madness, that plunges my remorseless soul Into oblivion And rolls it in a swoon to the shores of death. – William Aggeler, 1954 Poisons Wine can conceal a sordid room In rich, miraculous disguise, And make such porticoes arise Out of its flushed and crimson fume As makes the sunset in the skies. Opium the infinite enlarges, And lengthens all that is past measure. It deepens time, and digs its treasure, With sad, black raptures it o’ercharges The soul, and surfeits it with pleasure. Neither are worth the drug so strong That you distil from your green eyes, Lakes where I see my soul capsize Head downwards : and where, in one throng, I slake my dreams, and quench my sighs. But to your spittle these seem naught – It stings and burns. It steeps my thought And spirit in oblivious gloom, And, in its dizzy onrush caught, Dashes it on the shores of doom. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |