007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
XLIII

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon cœur, cœur autrefois flétri,
À la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
Dont le regard divin t’a soudain refleuri ?

— Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son œil nous revêt d’un habit de clarté.

Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,
Que ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l’air danse comme un flambeau.

Parfois il parle et dit : « Je suis belle, et j’ordonne
Que pour l’amour de moi vous n’aimiez que le Beau ;
Je suis l’Ange gardien, la Muse et la Madone ! »
 
Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,
À la très belle, à la très bonne, à la très chère,
Dont le regard divin t’a soudain refleuri ?

– Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
Rien ne vaut la douceur de son autorité
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges
Et son oeil nous revêt d’un habit de clarté.

Que ce soit dans la nuit et dans la solitude
Que ce soit dans la rue et dans la multitude
Son fantôme dans l’air danse comme un flambeau.

Parfois il parle et dit : « Je suis belle, et j’ordonne
Que pour l’amour de moi vous n’aimiez que le Beau ;
Je suis l’Ange gardien, la Muse et la Madone. »




What Will You Say Tonight, Poor Solitary Soul

What will you say tonight, poor solitary soul,
What will you say, my heart, heart once so withered,
To the kindest, dearest, the fairest of women,
Whose divine glance suddenly revived you ?
– We shall try our pride in singing her praises :
There is nothing sweeter than to do her bidding ;
Her spiritual flesh has the fragrance of Angels,
And when she looks upon us we are clothed with light.
Be it in the darkness of night, in solitude,
Or in the city street among the multitude,
Her image in the air dances like a torch flame.
Sometimes it speaks and says : “I am fair, I command
That for your love of me you love only Beauty ;
I am your guardian Angel, your Muse and Madonna.”
– William Aggeler, 1954



What Can You Say, Poor Lonely Soul of Mine

What can you say, poor lonely soul of mine,
Or you, poor heart, so long ago turned sour,
To the best, dearest, loveliest, whose divine
Regard has made you open like a flower ?
We’ll set our pride to sing her highest praise
Naught to her sweet authority compares :
Her psychic flesh is formed of fragrant airs.
Her glances clothe us in a suit of rays.
Be it in solitude at dead of night,
Or in the crowded streets of glaring light,
Her phantom like a torch before me streams.
It speaks : “I’m beautiful. These orders take.
Love naught but Beauty, always, for my sake,
Madonna, guardian Angel, Muse of dreams.”
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal