007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
XLI

SEMPER EADEM

« D’où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? »
— Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal ! C’est un secret de tous connu,

Une douleur très-simple et non mystérieuse,
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !

Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.

Laissez, laissez mon cœur s’enivrer d’un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,
Et sommeiller longtemps à l’ombre de vos cils !
 
Semper eadem

« D’où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? »
– Quand notre coeur a fait une fois sa vendange
Vivre est un mal. C’est un secret de tous connu,

Une douleur très simple et non mystérieuse
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !

Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.

Laissez, laissez mon coeur s’enivrer d’un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe
Et sommeiller longtemps à l’ombre de vos cils !




Ever the Same

“Whence comes to you, you asked, this singular sadness
That rises like the sea on the naked, black rock ?”
– Once our heart has gathered the grapes from its vineyard,
Living is an evil. That’s a secret known to all,
A simple pain, with no mystery,
As obvious to all men as your gaiety.
So abandon your search, inquisitive beauty ;
And though your voice is sweet, be still !
Be silent, ignorant ! ever enraptured soul !
Mouth with the child-like laugh ! Still more than Life,
Death holds us frequently with subtle bonds.
Let, let my heart become drunk with a lie ; let it
Plunge into your fair eyes as into a fair dream
And slumber long in the shadow of your lashes.
– William Aggeler, 1954


Semper Eadem

“Whence,” ask you, “does this strange new sadness flow
Like rising tides on rocks, black, bare, and vast ?”
For human hearts, when vintage-time is past,
To live is bad. That secret all men know –
An obvious sorrow, with no mystery, shown,
Clear as your joy, to everyone around.
O curious one, seek nothing more profound,
And speak not, though your voice be sweet in tone.
Hush, ignorant ! Hush, soul that’s still enraptured,
And mouth of childish laughter ! Neatly captured,
Death pulls us, more than life, with subtle wile.
Oh let my thought get drunk upon a lie,
And plunge, as in a dream, in either eye,
And in their lashes’ shadow sleep awhile !
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal