007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
XL

Je te donne ces vers afin que si mon nom

Je te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux époques lointaines,
Et fait rêver un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favorisé par un grand aquilon,

Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue le lecteur ainsi qu’un tympanon,
Et par un fraternel et mystique chaînon
Reste comme pendue à mes rimes hautaines ;

Être maudit à qui, de l’abîme profond
Jusqu’au plus haut du ciel, rien, hors moi, ne répond !
— Ô toi qui, comme une ombre à la trace éphémère,

Foules d’un pied léger et d’un regard serein
Les stupides mortels qui t’ont jugée amère,
Statue aux yeux de jais, grand ange au front d’airain !
 
Je te donne ces vers afin que si mon nom

Je te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux époques lointaines,
Et fait rêver un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favorisé par un grand aquilon,

Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue le lecteur ainsi qu’un tympanon,
Et par un fraternel et mystique chaînon
Reste comme pendue à mes rimes hautaines ;

Être maudit à qui, de l’abîme profond
Jusqu’au plus haut du ciel, rien, hors moi, ne répond !
– Ô toi qui, comme une ombre à la trace éphémère,

Foules d’un pied léger et d’un regard serein
Les stupides mortels qui t’ont jugée amère,
Statue aux yeux de jais, grand ange au front d’airain !





I Give You These Verses So That If My Name

I give you these verses so that if my name,
A vessel favored by a strong north wind,
Fortunately reaches the distant future’s shore,
And some night sets the minds of men to dreaming,
Your memory, like fables shrouded in the past,
Will weary the reader like a dulcimer,
And by a mystical, brotherly bond
Remain suspended from my haughty verse ;
Accurst being to whom, from the deep abysm
To the highest heaven, nothing responds, save me!
– O you who, like an ephemeral ghost,
Trample lightly and with a serene look
Upon the dull mortals who found you repugnant,
Jet eyed statue, tall angel with a brow of bronze !
– William Aggeler, 1954



For You This Poem : If My Name Should Reach

For you this poem : if my name should reach
Favoured by mighty gales, to far-off times,
Like a proud vessel sailing to the beach,
To stir the brains of humans with my rhymes –
Your memory, uncertain as a myth,
Will tire the reader like an endless gong,
And be a mystic, kindred chain wherewith
He’ll hang suspended to my towering song :
Curs’d soul to whom (from the supernal sky
To hell’s abysm) none responds but I !
O you, who like a fleeting shadow pass,
Spurn with light foot and with serenest gaze
The stupid mortals who have grudged you praise,
O jade-eyed statue, angel browed with brass !
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal