007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
XXXIV REMORDS POSTHUME Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse, Au fond d’un monument construit en marbre noir, Et lorsque tu n’auras pour alcôve et manoir Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse ; Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir, Empêchera ton cœur de battre et de vouloir, Et tes pieds de courir leur course aventureuse, Le tombeau, confident de mon rêve infini (Car le tombeau toujours comprendra le poëte), Durant ces longues nuits d’où le somme est banni, Te dira : « Que vous sert, courtisane imparfaite, De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts ? » — Et le ver rongera ta peau comme un remords. |
Remords posthume Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse, Au fond d’un monument construit en marbre noir, Et lorsque tu n’auras pour alcôve et manoir Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse ; Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir, Empêchera ton coeur de battre et de vouloir, Et tes pieds de courir leur course aventureuse, Le tombeau, confident de mon rêve infini (Car le tombeau toujours comprendra le poète), Durant ces grandes nuits d’où le somme est banni, Te dira : « Que vous sert, courtisane imparfaite, De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts ? » – Et le vers rongera ta peau comme un remords. Posthumous Remorse When you will sleep, O dusky beauty mine, Beneath a monument fashioned of black marble, When you will have for bedroom and mansion Only a rain-swept vault and a hollow grave, When the slab of stone, oppressing your frightened breast And your flanks now supple with charming nonchalance, Will keep your heart from beating, from wishing, And your feet from running their adventurous course, The tomb, confidant of my infinite dreams (For the tomb will always understand the poet) Through those long nights from which all sleep is banned, will say : “What does it profit you, imperfect courtesan, Not to have known why the dead weep ?” – And like remorse the worm will gnaw your skin. – William Aggeler, 1954 Posthumous Remorse When you’re asleep, dear shadow-coloured wench, Within a coal-black, marble monument : When, for your room and mansion, you are pent In a wet cellar and a hollow trench : When the stone, pressing on your startled breast And flanks in fluent suppleness competing, Prevents your heart from wishing or from beating, Your feet from racing on their reckless quest. The tomb that shares my deathless recollection (For poets best are understood by tombs) On those long nights, when never sleep presumes, Will say, “What boots, frail vase of imperfection, Not to have known what pains with death begin ?” – And, like remorse, the worm will gnaw your skin. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |