007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
XXXIII Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive, Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu, Je me pris à songer près de ce corps vendu À la triste beauté dont mon désir se prive. Je me représentai sa majesté native, Son regard de vigueur et de grâces armé, Ses cheveux qui lui font un casque parfumé, Et dont le souvenir pour l’amour me ravive. Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps, Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses Déroulé le trésor des profondes caresses, Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles ! Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles. |
Une nuit que j’étais près d’une affreuse
Juive Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive, Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu, Je me pris à songer près de ce corps vendu À la triste beauté dont mon désir se prive. Je me représentai sa majesté native, Son regard de vigueur et de grâces armé, Ses cheveux qui lui font un casque parfumé, Et dont le souvenir pour l’amour me ravive. Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps, Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses Déroulé le trésor des profondes caresses, Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles ! Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles. One Night I Lay with a Frightful Jewess One night I lay with a frightful Jewess, Like a cadaver stretched out beside a cadaver, And I began to muse, by that peddled body, About the sad beauty my desire forgoes. I pictured to myself her native majesty, Her gaze with power and with grace endowed, The hair which forms for her a perfumed casque, And whose souvenir awakens love’s desire. For I would fervently have kissed your fair body And spread out the treasure of soulful caresses From your cool feet up to your tresses black, If, some night, with a tear evoked without effort You could only, queen of cruel women! Soften the brilliancy of your cold eyes. – William Aggeler, 1954 One Night When, near a Fearful Jewess Lying One night when, near a fearful Jewess lying, As one corpse by another corpse, I sprawled – Beside the venal body I was buying, The beauty that was absent I recalled. I pictured you in native majesty With glances full of energy and grace, Your hair, a perfumed casque, whose memory Revives me for the amorous embrace, For madly I’d have kissed your noble frame, And from your cool feet to your great black tresses, Unleashed the treasure of profound caresses, If with a single tear that gently came You could have quenched, O queen of all the cruel ! The blazing of your eyes, their icy fuel. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |