007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
XXXI

DE PROFUNDIS CLAMAVI

J’implore ta pitié, Toi, l’unique que j’aime,
Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
C’est un univers morne à l’horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème ;

Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
C’est un pays plus nu que la terre polaire ;
Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois !

Or il n’est pas d’horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos ;

Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l’écheveau du temps lentement se dévide !
 
De profundis clamavi

J’implore ta pitié, Toi, l’unique que j’aime,
Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.
C’est un univers morne à l’horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème ;

Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
C’est un pays plus nu que la terre polaire
– Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois !

Or il n’est pas d’horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos ;

Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l’écheveau du temps lentement se dévide !





Out of the Depths Have I Cried

I beg pity of Thee, the only one I love,
From the depths of the dark pit where my heart has fallen,
It’s a gloomy world with a leaden horizon,
Where through the night swim horror and blasphemy ;
A frigid sun floats overhead six months,
And the other six months darkness covers the land ;
It’s a land more bleak than the polar wastes
– Neither beasts, nor streams, nor verdure, nor woods !
But no horror in the world can surpass
The cold cruelty of that glacial sun
And this vast night which is like old Chaos ;
I envy the lot of the lowest animals
Who are able to sink into a stupid sleep,
So slowly does the skein of time unwind !
– William Aggeler, 1954


De Profundis Clamavi

Have pity, my one love and sole delight !
Down to a dark abyss my heart has sounded,
A mournful world, by grey horizons bounded,
Where blasphemy and horror swim by night.
For half the year a heatless sun gives light,
The other half the night obscures the earth.
The arctic regions never knew such dearth.
No woods, nor streams, nor creatures meet the sight.
No horror in the world could match in dread
The cruelty of that dire sun of frost,
And that huge night like primal chaos spread.
I envy creatures of the vilest kind
That they in stupid slumber can be lost –
So slowly does the skein of time unwind !
– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal