007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
XXIX

LE SERPENT QUI DANSE

Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoile vacillante,
Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L’or avec le fer.

À te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !
 
Le Serpent qui danse

Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L’or avec le fer.

À te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon coeur !



 

The Dancing Serpent

Indolent darling, how I love
To see the skin
Of your body so beautiful
Shimmer like silk !
Upon your heavy head of hair
With its acrid scents,
Adventurous, odorant sea
With blue and brown waves,
Like a vessel that awakens
To the morning wind,
My dreamy soul sets sail
For a distant sky.
Your eyes where nothing is revealed
Of bitter or sweet,
Are two cold jewels where are mingled
Iron and gold.
To see you walking in cadence
With fine abandon,
One would say a snake which dances
On the end of a staff.
Under the weight of indolence
Your child-like head sways
Gently to and fro like the head
Of a young elephant,
And your body stretches and leans
Like a slender ship
That rolls from side to side and dips
Its yards in the sea.
Like a stream swollen by the thaw
Of rumbling glaciers,
When the water of your mouth rises
To the edge of your teeth,
It seems I drink Bohemian wine,
Bitter and conquering,
A liquid sky that scatters
Stars in my heart !
– William Aggeler, 1954



The Snake that Dances

I love to watch, while you are lazing,
Your skin. It iridesces
Like silk or satin, smoothly-glazing
The light that it caresses.
Under your tresses dark and deep
Where acrid perfumes drown,
A fragrant sea whose breakers sweep
In mazes blue or brown,
My soul, a ship, to the attraction
Of breezes that bedizen
Its swelling canvas, clears for action
And seeks a far horizon.
Your eyes where nothing can be seen
Either of sweet or bitter
But gold and iron mix their sheen,
Seem frosty gems that glitter.
To see you rhythmically advancing
Seems to my fancy fond
As if it were a serpent dancing
Waved by the charmer’s wand.
Under the languorous moods that weigh it,
Your childish head bows down :
Like a young elephant’s you sway it
With motions soft as down.
Your body leans upon the hips
Like a fine ship that laves
Its hull from side to side, and dips
Its yards into the waves.
When, as by glaciers ground, the spate
Swells hissing from beneath,
The water of your mouth, elate,
Rises between your teeth –
It seems some old Bohemian vintage
Triumphant, fierce, and tart,
A liquid heaven that showers a mintage
Of stars across my heart.
– Roy Campbell, 1952

 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal