007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
XXVI Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle, Femme impure ! L’ennui rend ton âme cruelle. Pour exercer tes dents à ce jeu singulier, Il te faut chaque jour un cœur au râtelier. Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques Ou des ifs flamboyant dans les fêtes publiques, Usent insolemment d’un pouvoir emprunté, Sans connaître jamais la loi de leur beauté. Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde ! Salutaire instrument, buveur du sang du monde, Comment n’as-tu pas honte et comment n’as-tu pas Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas ? La grandeur de ce mal où tu te crois savante Ne t’a donc jamais fait reculer d’épouvante, Quand la nature, grande en ses desseins cachés, De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés, — De toi, vil animal, — pour pétrir un génie ? Ô fangeuse grandeur ! sublime ignominie ! |
Tu mettrais l’univers entier dans ta
ruelle Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle, Femme impure ! L’ennui rend ton âme cruelle. Pour exercer tes dents à ce jeu singulier, Il te faut chaque jour un coeur au râtelier. Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques, Usent insolemment d’un pouvoir emprunté, Sans connaître jamais la loi de leur beauté. Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde ! Salutaire instrument, buveur du sang du monde, Comment n’as-tu pas honte et comment n’as-tu pas Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas ? La grandeur de ce mal où tu te crois savante Ne t’a donc jamais fait reculer d’épouvante, Quand la nature, grande en ses desseins cachés De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés, – De toi, vil animal, – pour pétrir un génie ? Ô fangeuse grandeur ! sublime ignominie ! YouWould Take the WholeWorld to Bed with You You would take the whole world to bed with you, Impure woman! Ennui makes your soul cruel ; To exercise your teeth at this singular game, You need a new heart in the rack each day. Your eyes, brilliant as shop windows Or as blazing lamp-stands at public festivals, Insolently use a borrowed power Without ever knowing the law of their beauty. Blind, deaf machine, fecund in cruelties ! Remedial instrument, drinker of the world’s blood, Why are you not ashamed and why have you not seen In every looking-glass how your charms are fading ? Why have you never shrunk at the enormity Of this evil at which you think you are expert, When Nature, resourceful in her hidden designs, Makes use of you, woman, O queen of sin, Of you, vile animal, – to fashion a genius ? O foul magnificence ! Sublime ignominy ! – William Aggeler, 1954 You’d Stick theWorld into Your Bedside Lane You’d stick the world into your bedside lane. It’s boredom makes you callous to all pain. To exercise your teeth for this strange task, A heart upon a rake, each day, you’d ask. Your eyes lit up like shopfronts, or the trees With lanterns on the night of public sprees, Make insolent misuse of borrowed power And scorn the law of beauty that’s their dower. Oh deaf-and-dumb machine, harm-breeding fool World sucking leech, yet salutary tool ! Have you not seen your beauties blanch to pass Before their own reflection in the glass ? Before this pain, in which you think you’re wise, Does not its greatness shock you with surprise, To think that Nature, deep in projects hidden, Has chosen you, vile creature of the midden, To knead a genius for succeeding time. O sordid grandeur ! Infamy sublime ! – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |