007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
XIX L’IDÉAL Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, Produits avariés, nés d’un siècle vaurien, Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien. Je laisse à Gavarni, poëte des chloroses, Son troupeau gazouillant de beautés d’hôpital, Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal. Ce qu’il faut à ce cœur profond comme un abîme, C’est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime, Rêve d’Eschyle éclos au climat des autans ; Ou bien toi, grande Nuit, fille de Michel-Ange, Qui tors paisiblement dans une pose étrange Tes appas façonnés aux bouches des Titans ! |
L’Idéal Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, Produits avariés, nés d’un siècle vaurien, Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien. Je laisse à Gavarni, poète des chloroses, Son troupeau gazouillant de beautés d’hôpital, Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal. Ce qu’il faut à ce coeur profond comme un abîme, C’est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime, Rêve d’Eschyle éclos au climat des autans ; Ou bien toi, grande Nuit, fille de Michel-Ange, Qui tors paisiblement dans une pose étrange Tes appas façonnés aux bouches des Titans ! The Ideal It will never be the beauties that vignettes show, Those damaged products of a good-for-nothing age, Their feet shod with high shoes, hands holding castanets, Who can ever satisfy any heart like mine. I leave to Gavarni, poet of chlorosis, His prattling troop of consumptive beauties, For I cannot find among those pale roses A flower that is like my red ideal. The real need of my heart, profound as an abyss, Is you, Lady Macbeth, soul so potent in crime, The dream of Aeschylus, born in the land of storms ; Or you, great Night, daughter of Michelangelo, Who calmly contort, reclining in a strange pose Your charms molded by the mouths of Titans ! – William Aggeler, 1954 The Ideal It’s not with smirking beauties of vignettes, The shopsoiled products of a worthless age, With buskined feet and hands for castanets – A heart like mine its longing could assuage. I leave Gavarni, poet of chloroses, His twittering flock, anaemic and unreal. I could not find among such bloodless roses, A flower to match my crimson-hued ideal. To this heart deeper than the deepest canyon, Lady Macbeth would be a fit companion, Crime-puissant dream of Aeschylus ; or you, Daughter of Buonarroti, stately Night ! Whose charms to suit a Titan’s appetite, You twist, so strange, yet peaceful, to the view. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |