007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
XVI À THÉODORE DE BANVILLE — 1842 — Vous avez empoigné les crins de la Déesse Avec un tel poignet, qu’on vous eût pris, à voir Et cet air de maîtrise et ce beau nonchaloir, Pour un jeune ruffian terrassant sa maîtresse. L’œil clair et plein du feu de la précocité, Vous avez prélassé votre orgueil d’architecte Dans des constructions dont l’audace correcte Fait voir quelle sera votre maturité. Poëte, notre sang nous fuit par chaque pore ; Est-ce que par hasard la robe de Centaure, Qui changeait toute veine en funèbre ruisseau, Était teinte trois fois dans les baves subtiles De ces vindicatifs et monstrueux reptiles Que le petit Hercule étranglait au berceau ? |
À Théodore de Banville Vous avez empoigné les crins de la Déesse Avec un tel poignet, qu’on vous eût pris, à voir Et cet air de maîtrise et ce beau nonchaloir, Pour un jeune ruffian terrassant sa maîtresse. L’oeil clair et plein du feu de la précocité, Vous avez prélassé votre orgueil d’architecte Dans des constructions dont l’audace correcte Fait voir quelle sera votre maturité. Poète, notre sang nous fuit par chaque pore ; Est-ce que par hasard la robe du Centaure Qui changeait toute veine en funèbre ruisseau Était teinte trois fois dans les baves subtiles De ces vindicatifs et monstrueux reptiles Que le petit Hercule étranglait au berceau ? To Théodore de Banville So roughly did you seize the Goddess by her hair That, seeing your imperious, nonchalant look, One would have taken you to be A young ruffian manhandling his mistress. Your bright eye filled with the fire of precocity, You indulged the pride of an architect In your phrasing, correct in spite of its daring ; You showed what you will be in your maturity. Poet, our blood escapes from every pore ; Was it merely by chance the robe of the Centaur Which transformed every vein into a fatal stream Was dyed three times in the subtle froth Of those reptiles, monstrous and vindictive That little Hercules strangled in his cradle ? – William Aggeler, 1954 To Théodore de Banville, 1842 Your hands have seized the goddess by the hair In such a grasp, so finally and fully, One thinks of some Herculean young Bully Flooring his mistress with a lordly air. With clear eyes radiant with precocious fire, You’ve shown such pride in architecture fine And such a pure audacity of line – One knows to what your manhood will aspire. Poet ! Our blood, through every pore outpressed, Escapes from us as if the Centaur’s vest Made a funereal rill of every vein ; One thinks that vest was dyed in vengeful spittle Of the two snakes that Hercules, when little, Throttled in his two fists till they were slain. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |