007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
IX LE MAUVAIS MOINE Les cloîtres anciens sur les grandes murailles Étalaient en tableaux la sainte Vérité, Dont l’effet, réchauffant les pieuses entrailles, Tempérait la froideur de leur austérité. En ces temps où du Christ florissaient les semailles, Plus d’un illustre moine, aujourd’hui peu cité, Prenant pour atelier le champ des funérailles, Glorifiait la Mort avec simplicité. — Mon âme est un tombeau que, mauvais cénobite, Depuis l’éternité je parcours et j’habite ; Rien n’embellit les murs de ce cloître odieux. Ô moine fainéant ! quand saurai-je donc faire Du spectacle vivant de ma triste misère Le travail de mes mains et l’amour de mes yeux ? |
Le Mauvais Moine Les cloîtres anciens sur leurs grandes murailles Etalaient en tableaux la sainte Vérité, Dont l’effet réchauffant les pieuses entrailles, Tempérait la froideur de leur austérité. En ces temps où du Christ florissaient les semailles, Plus d’un illustre moine, aujourd’hui peu cité, Prenant pour atelier le champ des funérailles, Glorifiait la Mort avec simplicité. – Mon âme est un tombeau que, mauvais cénobite, Depuis l’éternité je parcours et j’habite ; Rien n’embellit les murs de ce cloître odieux. Ô moine fainéant ! quand saurai-je donc faire Du spectacle vivant de ma triste misère Le travail de mes mains et l’amour de mes yeux ? The Bad Monk Cloisters in former times portrayed on their high walls The truths of HolyWrit with fitting pictures Which gladdened pious hearts and lessened the coldness, The austere appearance, of those monasteries. In those days the sowing of Christ’s Gospel flourished, And more than one famed monk, seldom quoted today, Taking his inspiration from the graveyard, Glorified Death with naive simplicity. – My soul is a tomb where, bad cenobite, I wander and dwell eternally ; Nothing adorns the walls of that loathsome cloister. O lazy monk ! When shall I learn to make Of the living spectacle of my bleak misery The labor of my hands and the love of my eyes ? – William Aggeler, 1954 The Evil Monk The walls of cloisters on their frescoed lath Displayed, in pictures, sacred truths of old, Whose sight would warm the entrails of one’s faith To temper their austerity and cold. In times when every sowing flowered for Christ Lived famous monks, now out of memory’s reach ; The graveyard for their library sufficed, And Death was glorified in simple speech. My soul’s a grave, where, evil cenobite, To all eternity I have been banned. Nothing adorns this cloister fall of spite. O idle monk ! Say, to what end were planned The living spectacle of my sad plight, Love of my eye, or labour of my hand ? – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |