007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
VIII LA MUSE VÉNALE Ô Muse de mon cœur, amante des palais, Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées, Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées, Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ? Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées Aux nocturnes rayons qui percent les volets ? Sentant ta bourse à sec autant que ton palais, Récolteras-tu l’or des voûtes azurées ? Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir, Comme un enfant de chœur, jouer de l’encensoir, Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère, Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas, Pour faire épanouir la rate du vulgaire. |
La Muse vénale Ô muse de mon coeur, amante des palais, Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées, Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées, Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ? Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées Aux nocturnes rayons qui percent les volets ? Sentant ta bourse à sec autant que ton palais Récolteras-tu l’or des voûtes azurées ? II te faut, pour gagner ton pain de chaque soir, Comme un enfant de choeur, jouer de l’encensoir, Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère, Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas, Pour faire épanouir la rate du vulgaire. The Venal Muse Muse of my heart, you who love palaces, When January frees his north winds, will you have, During the black ennui of snowy evenings, An ember to warm your two feet blue with cold ? Will you bring the warmth back to your mottled shoulders, With the nocturnal beams that pass through the shutters ? Knowing that your purse is as dry as your palate, Will you harvest the gold of the blue, vaulted sky ? To earn your daily bread you are obliged To swing the censer like an altar boy, And to sing Te Deums in which you don’t believe, Or, hungry mountebank, to put up for sale your charm, Your laughter wet with tears which people do not see, To make the vulgar herd shake with laughter. – William Aggeler, 1954 The Venal Muse Muse of my heart, of palaces the lover, Where will you, when the blast of winter blows In the black boredom of snowed lights, discover A glowing brand to warm your violet toes ? How will you there revive your marbled skin At the chill rays your shutters then disperse ? The gold of azure heavens will you win When empty are your palate and your purse ? You’ll need each evening, then, to earn your bread, As choirboys swinging censers that are dead Who sing Te Deums which they disbelieve : Or, fasting pierrette, trade your loveliness And laughter, soaked in tears that none can guess, The boredom of the vulgar to relieve. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |