007 Livre Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal 1868 |
SPLEEN ET IDÉAL |
VII LA MUSE MALADE Ma pauvre Muse, hélas ! qu’as-tu donc ce matin ? Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes, Et je vois tour à tour s’étaler sur ton teint La folie et l’horreur, froides et taciturnes. Le succube verdâtre et le rose lutin T’ont-ils versé la peur et l’amour de leurs urnes ? Le cauchemar, d’un poing despotique et mutin, T’a-t-il noyée au fond d’un fabuleux Minturnes ? Je voudrais qu’exhalant l’odeur de la santé Ton sein de pensers forts fût toujours fréquenté, Et que ton sang chrétien coulât à flots rhythmiques, Comme les sons nombreux des syllabes antiques, Où règnent tour à tour le père des chansons, Phœbus, et le grand Pan, le seigneur des moissons. |
La Muse malade Ma pauvre muse, hélas ! qu’as-tu donc ce matin ? Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes, Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint La folie et l’horreur, froides et taciturnes. Le succube verdâtre et le rose lutin T’ont-ils versé la peur et l’amour de leurs urnes ? Le cauchemar, d’un poing despotique et mutin T’a-t-il noyée au fond d’un fabuleux Minturnes ? Je voudrais qu’exhalant l’odeur de la santé Ton sein de pensers forts fût toujours fréquenté, Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques, Comme les sons nombreux des syllabes antiques, Où règnent tour à tour le père des chansons, Phoebus, et le grand Pan, le seigneur des moissons. The Sick Muse My poor Muse, alas ! what ails you today ? Your hollow eyes are full of nocturnal visions ; I see in turn reflected on your face Horror and madness, cold and taciturn. Have the green succubus, the rosy elf, Poured out for you love and fear from their urns ? Has the hand of Nightmare, cruel and despotic, Plunged you to the bottom of some weird Minturnae ? I would that your bosom, fragrant with health, Were constantly the dwelling place of noble thoughts, And that your Christian blood would flow in rhythmic waves Like the measured sounds of ancient verse, Over which reign in turn the father of all songs, Phoebus, and the great Pan, lord of harvest. – William Aggeler, 1954 The Sick Muse Alas, poor Muse, what ails you so today ? Your hollow eyes with midnight visions burn, And turn about, in your complexion play Madness and horror, cold and taciturn. Green succubus and rosy imp – have they Poured you both fear and love into one glass ? Or with his tyrant fist the nightmare, say, Submerged you in some fabulous morass ? I wish that, breathing health, your breast might nourish Ever robuster thoughts therein to flourish : And that your Christian blood, in rhythmic flow, With those old polysyllables would chime, Where, turn about, reigned Phoebus, sire of rhyme, And Pan, the lord of harvests long ago. – Roy Campbell, 1952 |
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal |