007 Livre
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1868
SPLEEN ET IDÉAL
III

ÉLÉVATION

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaîment l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins !

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
— Qui plane sur la vie et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
 
Élévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
– Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !



Elevation

Above the lakes, above the vales,
The mountains and the woods, the clouds, the seas,
Beyond the sun, beyond the ether,
Beyond the confines of the starry spheres,
My soul, you move with ease,
And like a strong swimmer in rapture in the wave
You wing your way blithely through boundless space
With virile joy unspeakable.
Fly far, far away from this baneful miasma
And purify yourself in the celestial air,
Drink the ethereal fire of those limpid regions
As you would the purest of heavenly nectars.
Beyond the vast sorrows and all the vexations
That weigh upon our lives and obscure our vision,
Happy is he who can with his vigorous wing
Soar up towards those fields luminous and serene,
He whose thoughts, like skylarks,
Toward the morning sky take flight
– Who hovers over life and understands with ease
The language of flowers and silent things !

– William Aggeler, 1954



Elevation

Above the valleys and the lakes : beyond
The woods, seas, clouds and mountain-ranges : far
Above the sun, the aethers silver-swanned
With nebulae, and the remotest star,
My spirit ! with agility you move
Like a strong swimmer with the seas to fight,
Through the blue vastness furrowing your groove
With an ineffable and male delight.
Far from these foetid marshes, be made pure
In the pure air of the superior sky,
And drink, like some most exquisite liqueur,
The fire that fills the lucid realms on high.
Beyond where cares or boredom hold dominion,
Which charge our fogged existence with their spleen,
Happy is he who with a stalwart pinion
Can seek those fields so shining and serene :
Whose thoughts, like larks, rise on the freshening breeze
Who fans the morning with his tameless wings,
Skims over life, and understands with ease
The speech of flowers and other voiceless things.

– Roy Campbell, 1952
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal