007 Livre
Charles Baudelaire
Les Épaves, à l'enseigne du Coq, 1866
GALANTERIES.
XI

LES PROMESSES D’UN VISAGE

J’aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
D’où semblent couler des ténèbres ;
Tes yeux, quoique très-noirs, m’inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.

Tes yeux, qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent : « Si tu veux,
Amant de la muse plastique,

Suivre l’espoir qu’en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu’aux fesses ;

Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d’un bonze,

Une riche toison qui, vraiment, est la sœur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure ! »



Les Promesses d’un visage

J’aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
D’où semblent couler des ténèbres ;
Tes yeux, quoique très-noirs, m’inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.
Tes yeux, qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent : « Si tu veux,
Amant de la muse plastique,
Suivre l’espoir qu’en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu’aux fesses ;
Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d’un bonze,
Une riche toison qui, vraiment, est la soeur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure ! »




The Promises of a Face

I love your elliptical eyebrows, my pale beauty,
From which darkness seems to flow ;
Although so black, your eyes suggest to me
Thoughts in no way funereal.
Your eyes, in harmony with your black hair,
With your buoyant mane,
Your swooning eyes now tell me : “If you wish,
O lover of the plastic muse,
To follow the hope we have excited in you,
And all the fancies you profess,
You will be able to prove our truthfulness
From the navel to the buttocks ;
You will find at the tips of two heavy breasts
Two slack bronze medallions,
And under a smooth belly, soft as velvet,
Swarthy as the skin of a Buddhist,
A rich fleece, which truly is the sister
Of this huge head of hair,
Compliant and curly, its thickness equals
Black night, night without stars !”
– Geoffrey Wagner, 1974
 
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal++